Comment dormez-vous? Et quelles sont les plaintes à ne pas négliger concernant la qualité de votre sommeil? Présentée le 16 mars – veille de la Journée internationale du sommeil – devant un parterre de médecins à Genève, une étude suisse livre une riche moisson de résultats: sur la durée moyenne de nos nuits, les effets de l’âge ou du sexe, l’influence de la lune ou du statut socio-économique, la fréquence des apnées du sommeil…

La plus grande étude sur le sommeil jamais réalisée

Menée sur plus de 5000 personnes de 40 à 85 ans, recrutées au sein de la population lausannoise, l’étude HypnoLaus est, à ce jour, la plus vaste étude sur le sommeil réalisée au monde. Entre 2009 et 2013, les participants ont répondu à des questionnaires précis sur leurs habitudes et les problèmes rencontrés durant la nuit.

Parmi eux, plus de 2000 ont également bénéficié d’un enregistrement complet de leur sommeil à domicile. «Fait notable, notre cohorte n’a pas été recrutée sur la base de plaintes pour un trouble précis», expliquent les deux principaux auteurs, les docteurs Raphaël Heinzer, médecin responsable du Centre d’Investigation et de Recherche sur le Sommeil (CIRS) du CHUV, à Lausanne, et José Haba-Rubio, médecin cadre au CIRS.

Depuis 2014, l’analyse des données a donné lieu à une quinzaine de publications dans de prestigieuses revues scientifiques comme The Lancet. «Cette étude livre des résultats très solides: c’est un long suivi de cohorte, avec un nombre important de sujets. L’analyse statistique rigoureuse a permis d’examiner séparément l’influence de divers facteurs sur le sommeil», estime le professeur Damien Léger, président de l’Institut National du Sommeil et de la Vigilance de l’Hôtel-Dieu, à Paris.

6,7 heures par nuit en moyenne

Comment, donc, dorment les Romands? Premier enseignement: ils sont bercés dans les bras de Morphée en moyenne 6,7 heures par nuit, mettent 18 minutes pour s’endormir, se réveillent en moyenne 70 minutes par nuit.

Quel que soit l’âge, les femmes dorment davantage que les hommes (26 minutes de plus en moyenne), alors que ces derniers ont moins de sommeil profond et paradoxal. Par ailleurs, le temps d’endormissement n’est pas affecté par l’âge ou le sexe. En revanche, «en vieillissant, on dort moins; le sommeil est moins profond et plus fragmenté», résume José Haba-Rubio. Paradoxalement, ces changements liés à l’âge, objectivés par les enregistrements du sommeil, n’affectent ni la somnolence diurne ni la qualité perçue du sommeil.

C’est là une des leçons majeures de l’étude: les plaintes de sommeil chez une personne âgée ne sont pas une fatalité. «C’est pourquoi, la présence de troubles du sommeil ne doit pas être considérée comme faisant partie du vieillissement normal. Elle doit inciter à l’identification de comorbidités sous-jacentes (la présence possible d’autres maladies associées, ndlr)», avertit Raphaël Heinzer. En outre, la prise de médicament n’est pas anodine. «Certains anti-hypertenseurs, par exemple, perturbent la sécrétion de la mélatonine [l’hormone du sommeil], donc la qualité du sommeil», explique Damien Léger.

On sait que le travail physique, la charge de travail, le stress psychologique, et les horaires de travail décalés jouent un rôle délétère.

L’étude HypnoLaus s’est également intéressée aux effets du statut socio-économique. Verdict: les personnes ayant un faible niveau de scolarité ou une position professionnelle plus basse ont une qualité de sommeil moins bonne, un plus long délai d’endormissement et une prévalence accrue d’insomnie. Les femmes sont les plus touchées. «Le statut socio-économique a un impact direct sur le sommeil. On sait que le travail physique, la charge de travail, le stress psychologique, et les horaires de travail décalés jouent un rôle délétère», relève José Haba-Rubio.

Plus anecdotique: l’impact des différentes phases de la lune sur la qualité du sommeil semble mineur, sinon nul. «On dormirait peut-être 10 minutes de moins durant les phases de pleine lune», note José Haba-Rubio. Un impact très faible, comparé à celui du bruit, du stress, des maladies du sommeil…

Epidémie d’apnée du sommeil?

Enfin, une attention particulière a été portée aux syndromes d’apnées du sommeil. Ces arrêts involontaires de la respiration survenant durant la nuit, entraînent une cascade d’effets délétères. Pour pouvoir respirer, les personnes touchées ont périodiquement des microréveils qui altèrent notablement leur sommeil. Elles s’endorment fréquemment durant la journée, d’où des difficultés au travail et un risque multiplié par 7 d’accidents de la route, selon une précédente recherche.

Selon l’étude HypnoLaus, ces troubles sont bien plus fréquents que prévus. Au total, jusqu’à 80% des hommes et 60% des femmes présentent plus de cinq apnées par heure de sommeil. Un homme sur deux (49%) et une femme sur quatre (23%) souffrent de plus de 15 apnées par heure! «Des chiffres impressionnants», selon José Haba-Rubio.

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Divers traitements possibles

La cohorte a aussi chiffré les méfaits de ces apnées sur le système cardiovasculaire. Les personnes qui font plus de 20 apnées par heure voient leur risque d’hypertension accru de 60%, leur risque de diabète doublé… Moins connu, leur risque de dépression est aussi augmenté de 90%.

«Si l’on est ronfleur, qu’on est fatigué ou qu’on a des difficultés de concentration durant la journée, si l’on présente des facteurs de risque cardiovasculaire, cela vaut le coup de consulter un médecin et d’en discuter avec lui», conclut Raphaël Heinzer. Si possible, une perte de poids est recommandée. Il faut aussi éviter l’alcool le soir. Et divers traitements peuvent être proposés, comme un système de ventilation en pression positive continue.


18 mars 2017: première journée suisse du sommeil

La première journée suisse du sommeil aura lieu à Genève, le 18 mars 2017, en lien avec la journée internationale du sommeil. Cette journée sera consacrée aux apnées du sommeil. Ses objectifs: sensibiliser le grand public sur le rôle et l’importance du sommeil dans notre santé au quotidien, et favoriser le dépistage de ces apnées. A cette occasion, plusieurs événements seront organisés à Genève, sur le parvis de l’université Uni-Mail et sur la place du Molard. Vous pourrez évaluer sur place votre risque de faire des apnées du sommeil et bénéficier de conseils.

Pour en savoir plus:  www.journeedusommeil.ch