La résistance aux antibiotiques est l’une des plus grandes menaces sanitaires de notre siècle, selon l’Organisation mondiale de la santé, qui a développé un plan global d’action sur le sujet. Son programme comprend notamment la lutte contre la dissémination des antibiotiques dans les eaux usées.

Ceux-ci ne sont pas entièrement filtrés par les stations d’épuration. Une équipe internationale de chercheurs a analysé les eaux à l’entrée et à la sortie de douze stations dans sept pays d’Europe. Leurs résultats, publiés le mercredi 27 mars dans la revue Science Advances, montrent que les résistances sont plus importantes au sud de l’Europe qu’au nord, comme les recherches cliniques l’avaient montré chez les patients.

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Les chercheurs ont utilisé la technique polymérase par réaction en chaîne pour quantifier l’ADN bactérien dans ces eaux usées en Finlande, Norvège, Allemagne, Irlande, mais aussi en Espagne, au Portugal et à Chypre. Dans les eaux de ces trois derniers pays, les gènes de résistance étaient plus abondants.

Une étude «intéressante et préoccupante»

«Dans cette étude, 11 sur 12 stations de traitement des eaux usées analysées atténuent le problème de la résistance, ce qui semble indiquer que des stations modernes fonctionnent bien sur ce plan», explique Marko Virta, microbiologiste à l’Université d’Helsinki et coauteur de l’étude. D’un autre côté, une station plus ancienne, située au Portugal, a vu augmenter le nombre de gènes de résistance lors du processus de purification. Ce qui fait dire au chercheur finlandais que des études dans les pays du sud, avec un usage des antibiotiques plus important et des centres d’épuration moins performants, sont nécessaires.

Les stations de traitement ne sont pas totalement efficaces pour stopper la transmission des gènes de résistance des micro-organismes

Jacques Schrenzel, responsable du laboratoire central de bactériologie aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG)

Pour Jacques Schrenzel, responsable du laboratoire central de bactériologie aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), cette étude est «intéressante et préoccupante, car elle montre que les stations de traitement ne sont pas totalement efficaces pour stopper la transmission des gènes de résistance des micro-organismes, qui sont donc propagés plus loin». Selon une étude publiée l’année dernière dans The Lancet Infectious Diseases, en 2015, 33 000 personnes sont mortes dans l’Union européenne à cause de bactéries résistantes aux antibiotiques.

La Suisse n’échappe pas au problème: «Les sédiments de plusieurs de nos lacs, dont le Léman, ont été analysés et montrent la présence de gènes de résistance qui nous inquiètent, ajoute Jacques Schrenzel. Nous pensons que ces gènes proviennent des eaux de ruissellement dans les pâturages où le bétail fait ses besoins.» Ce phénomène est en cours d’étude.