Santé
Peu connue, la maladie de dystrophie musculaire liée à l’âge envahit silencieusement l’Europe. Un doctorant de l’EPFZ veut la démystifier

Elle évolue petit à petit, sournoisement car asymptomatique, dès que vous atteignez le troisième âge, vous privant progressivement de votre masse musculaire et de votre force. C’est la sarcopénie, dont le nom est issu des termes grecs «sarx» (chair) et «penia» (perte). Peu connue du grand public, elle est pourtant l’une des principales causes d’invalidité chez les seniors, touchant jusqu’à une personne de plus de 65 ans sur cinq et 50% des 80 ans et plus dans le monde. Longtemps considérée comme simple syndrome gériatrique, la sarcopénie a officiellement été reconnue comme maladie par l’OMS en 2016.
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Doctorant à l’Ecole fédérale polytechnique de Zurich (EPFZ), Federico Gennaro a décidé d’y consacrer sa thèse. «Plusieurs vivent avec la sarcopénie sans même le savoir. Cet affaiblissement musculaire progressif rend plus vulnérable, augmente les risques de chutes et réduit sa qualité de vie.» Indirectement, la sarcopénie peut ainsi induire une moindre socialisation, l’isolement et la dépression, fait-il valoir. «Elle représente un coût social et sanitaire important qui, avec le temps, entraîne une augmentation des frais d’assurance maladie.»
Le premier objectif du doctorant consiste à identifier la prévalence de la sarcopénie en Suisse, en utilisant un échantillon de 300 personnes de 65 ans et plus, au Tessin. Le canton italophone est celui qui compte la plus grande proportion d’aînés. «Mais aussi parce que le neurocentre de la Suisse italienne compte des professionnels très compétents, souligne le chercheur. De plus, dans la perspective du Master en médecine qui sera activé dès 2020 au Tessin, conjointement avec l’EPFZ, notre collaboration actuelle est importante.»
Vitesse de marche
Pour découvrir si un individu est atteint de sarcopénie, à l’aide de technologies sophistiquées, il mesure la force de ses membres supérieurs, sa masse musculaire et sa vitesse de marche. «En analysant les résultats de ces trois indicateurs, nous voyons si une personne en est victime.»
Parallèlement, il évalue la «communication» entre le système nerveux central et les muscles du sujet, et la qualité de cette connexion lorsqu’il marche. L’hypothèse de Federico Gennaro? Dans les cas où un participant est atteint de sarcopénie, cette connexion est réduite par rapport à celui qui n’en souffre pas. Des chercheurs américains ont déjà émis ce postulat, sans toutefois tenter de le vérifier. C’est bien ce que Federico Genarro entend faire.
Pour y parvenir, il emploie une technologie innovante appelée mobile brain/body imaging (MoBI), qui permet d’analyser simultanément l’activité cérébrale et physique. «Nous avons choisi d’utiliser la MoBI pendant la marche, action essentielle dans le quotidien de tous et qui, lorsqu’on est âgé, est liée à une augmentation des risques de chutes.» Pendant la marche, un électroencéphalogramme (ECG) recense l’activité du cerveau et l’électromyographie (ECG) celle des muscles du participant.
Des «exergames» pour stimuler cerveau et système musculaire
«Si notre hypothèse s’avérait juste, nous démontrerions qu’outre le système musculaire, le cerveau joue un rôle substantiel dans le développement de la sarcopénie.» Ainsi, si le système nerveux central influence le développement de la maladie, se concentrer sur le seul muscle pour la contrer ne suffit pas. Un entraînement visant à stimuler tant le cerveau que le système musculaire pourrait retarder la manifestation de la sarcopénie. «Des «exergames» (contraction de «exercice» et de «jeu» en anglais) qui stimulent simultanément les muscles et les compétences cognitives pourraient contribuer à réduire son apparition ou sa progression.»
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D’ici à fin 2019, Federico Gennaro devrait avoir analysé toutes les données recueillies. Ses résultats pourraient influencer la façon de traiter la sarcopénie, mais aussi la façon dont elle est diagnostiquée – en utilisant la MoBI comme technologie de dépistage.
Témoignant de l’intérêt et des espoirs que suscitent ses recherches, en décembre, il a gagné un prix décerné par la Fondation AO de Davos qui investit dans le traitement des personnes atteintes de troubles musculo-squelettiques, et il vient tout juste de recevoir une bourse de l’association Aila-Oil de Lugano qui intervient auprès des aînés.