A Stockholm, dans le QG européen de la lutte contre le coronavirus
épidémie
On évoque souvent les CDC américains, les fameux centres de contrôle et de prévention des maladies, en pointe dans l’étude des épidémies, mais l’Europe aussi a les siens, établis en Suède

C’est dans un immeuble high-tech de Solna, dans la banlieue de Stockholm, qu’est installé l’ECDC, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, dont le rôle principal est de récolter l’information et de coordonner l’action concernant toutes les maladies infectieuses qui touchent les Etats membres de l’UE, mais aussi la Suisse, qui depuis une semaine a intégré son système d’alerte.
Une grande salle vitrée en rez-de-chaussée – l’emergency operation center – accueille tous les matins à 11h30 une réunion d’experts et de médecins sur les épidémies en cours: «Nous suivons de nombreuses maladies, parmi lesquelles la grippe saisonnière, les maladies infectieuses d’origine alimentaire, mais notre priorité, en ce moment c’est bien le coronavirus», assure Julien Beauté, médecin épidémiologiste chargé du dossier.
Les spécialistes auscultent chaque jour les médias, les réseaux sociaux et les sources médicales à la recherche de morts suspectes
Dans le cas d’une épidémie, le facteur temps est important et, les maladies contagieuses n’ayant pas de frontières, une coordination au plus haut niveau est également essentielle. L’ECDC a été mis sur pied en 2005, après la crise du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). «On s’est rendu compte que pour être efficace il fallait travailler ensemble le plus rapidement possible: évaluer le risque, planifier les mesures, appuyer les Etats membres dans leur application», résume Josep Jansa, spécialiste des situations d’urgence au sein de l’ECDC. L’agence européenne n’a pas de laboratoire, et son mandat ne lui permet pas d’intervenir dans les pays membres. Elle peut en revanche s’assurer que chacun d’entre eux a les moyens de juguler l’épidémie en ayant la capacité de détecter au plus vite les agents infectieux en cause.
Lire aussi: L’épidémie de coronavirus fait 563 morts en Chine
Cinquante-six maladies suivies
Entre deux crises, ces spécialistes de «l’epidemic intelligence» assurent aussi une veille sur 56 maladies transmissibles et auscultent chaque jour les médias, les réseaux sociaux et les sources médicales dans le monde entier à la recherche de morts suspectes dont on ne connaît pas l’origine. Une méthode qui s’est avérée efficace pour le coronavirus.
«Grâce à ce screening, on a su très tôt qu’il y avait des cas suspects de pneumonie en Chine, et la confirmation des autorités est venue après, quand le pathogène a été identifié», précise Julien Beauté. Restent cependant des questions sans réponse: «La plupart des épidémies sur lesquelles nous travaillons sont dues à des pathogènes identifiés, dont on connaît les périodes d’incubation et de contagion, ce n’est pas encore le cas du coronavirus. Est-ce que l’épidémie va se propager uniquement par transmission interhumaine ou y a-t-il des sources animales en Chine qui sont encore actives? Les personnes asymptomatiques peuvent-elles contaminer les autres? Les recherches sont encore en cours.»
Lire également: La transmission du coronavirus en question
Un virus qui effraie
Le coronavirus est si présent dans les médias qu’on oublierait presque qu’il n’a été identifié que le 9 janvier, et que les trois premiers cas européens ne sont apparus que le 24, en France. Pour évaluer sa dangerosité, les chercheurs européens peuvent cependant s’appuyer sur des comparaisons avec les dernières épidémies: le taux de mortalité du SRAS, en 2003, était de 10%, contre 2 à 3% pour le coronavirus; le MERS, apparu au Moyen-Orient en 2012, était beaucoup plus dangereux, mais a touché peu de personnes. Selon les premières observations, le coronavirus se transmettrait donc plus facilement, tout en étant moins virulent que ses deux prédécesseurs.
Lire enfin: Le coronavirus secoue la planète auto
Seule certitude, il est toujours en progression. Le nombre de personnes contaminées continue d’augmenter en Chine et en Europe, où des «cas secondaires» sont également apparus, c’est-à-dire des malades infectés sans être allés en Chine. Le nombre de morts est encore loin d’approcher celui dû à l’alcool, au tabac ou à la résistance aux antibiotiques – qui tue chaque année 33 000 personnes sur notre continent – mais le coronavirus effraie, presque inévitablement.
«C’est le propre des nouvelles maladies, rappelle Julien Beauté, d’autant plus quand elles sont susceptibles de frapper tout le monde, hors de notre contrôle individuel.» Au dernier comptage de l’ECDC, 565 personnes sont mortes du coronavirus, sur 28284 cas recensés, dont 26 en Europe.