En Suisse, le cancer tue moins
SANTé
La mortalité liée au cancer a nettement diminué, révèle le Rapport 2015 sur le cancer. Mais le nombre de cas augmente, principalement en raison du vieillissement de la population

On soigne de mieux en mieux le cancer… et pourtant il y en a de plus en plus en Suisse! Cet apparent paradoxe est au centre du Rapport 2015 sur le cancer, rendu public le 21 mars lors d’une conférence de presse à Berne. Réalisé par l’Office fédéral de la statistique (OFS), l’Institut National pour l’Epidémiologie et l’enregistrement du Cancer (NICER) et le Registre suisse du cancer de l’enfant (RSCE), ce rapport confirme les progrès réalisés dans la lutte contre le cancer en Suisse… mais laisse aussi entrevoir des défis.
Le nouveau rapport porte sur les années de 2008 à 2012 et se base sur les données fournies par douze registres cantonaux. Ces registres des cancers couvrent toute la Suisse romande, le Tessin et une partie des cantons alémaniques, soit plus de 60% de la population suisse, ce qui permet d’en extrapoler des chiffres globaux pour l’ensemble du pays. Plus rares, les cancers des enfants font l’objet d’un recensement spécifique.
L’analyse des données révèle que durant la période 2008 à 2012, quelque 21 000 cancers ont été diagnostiqués chaque année chez l’homme en Suisse, 17 500 chez la femme. Ces chiffres sont en augmentation: durant la période précédente, de 2003 à 2007, il y a eu pour chaque sexe environ 2000 cas de moins! Environ 42 000 cancers devraient être diagnostiqués en 2015, hommes et femmes confondus.
Plus de mélanomes et cancers de la thyroïde
«Cet accroissement du nombre de cancers s’explique essentiellement par le vieillissement de la population, l’incidence du cancer progressant avec l’âge», explique Christoph Junker, de la Section santé de l’OFS. Le risque individuel de développer un cancer est quant à lui resté à peu près stable, quel que soit le cancer considéré.
Chez les hommes, les cancers les plus fréquents sont ceux de la prostate, des poumons et du côlon. Chez les femmes, le cancer du sein demeure largement le plus fréquent, suivi par celui du côlon et celui du poumon. Celui-ci a fortement progressé chez les femmes, de plus en plus nombreuses à fumer. Les cancers de la thyroïde et les mélanomes de la peau ont aussi beaucoup augmenté ces 20 dernières années, que ce soit chez l’homme ou la femme.
«La Suisse a un des plus forts taux de mélanomes au monde, ce qui peut en partie être attribué au type caucasien de la majeure partie de la population, mais aussi à la faible réglementation qui a longtemps prévalu sur les solariums, estime Christine Bouchardy, responsable du Registre genevois des tumeurs. Pour ce qui concerne les cancers de la thyroïde, les causes de l’accroissement sont moins claires. Il y a certainement une part de surdiagnostic. Mais il pourrait aussi y avoir un lien, qui reste à confirmer, avec les émissions radioactives lors de la catastrophe de Tchernobyl.»
Quelque 9 000 hommes et 7 000 femmes décèdent du cancer chaque année en Suisse, ce qui correspond à près d’un tiers du total des décès chez les hommes et près d’un quart chez les femmes. On meurt cependant de moins en moins du cancer: en 20 ans, les taux de mortalité ont reculé en moyenne de 27% chez les femmes et de 36% chez les hommes. «Cette différence entre hommes et femmes s’explique probablement par l’énorme augmentation des cas de cancers du poumon chez les femmes, alors que dans le même temps la fréquence de ces cancers et la mortalité associée ont baissé chez l’homme», avance Rolf Heusser, directeur du NICER.
Ces résultats montrent que nous vivons de plus en plus vieux, et que nous soignons de mieux en mieux le cancer
Tous types de cancers confondus, le taux de survie 5 ans après le diagnostic a progressé de 65% chez les hommes et de 68% chez les femmes, par rapport à la période de 1998 à 2002. Les chances de survie varient beaucoup d’un type de cancer à l’autre, ceux du testicule, du mélanome et de la thyroïde se soignant relativement bien, contrairement à ceux du foie, du poumon et du pancréas. Les taux de survie du cancer à 5 ans en Suisse figurent parmi les meilleurs d’Europe. Des succès que les experts rassemblés à Berne attribuent avant tout à la qualité de la prise en charge médicale.
«Ces résultats sont encourageants: ils montrent que nous vivons de plus en plus vieux, et que nous soignons de mieux en mieux le cancer», souligne Pascal Strupler, le directeur de l’Office Fédéral de la Santé Publique. Mais ils soulèvent aussi de nouvelles questions. D’abord celle de la prise en charge au long cours des personnes qui sont soignées pour un cancer. Elles peuvent souffrir de pathologies associées et ont souvent besoin d’un suivi régulier.
Immunothérapies et prévention
«L’arrivée des immunothérapies contre le cancer constitue un autre défi, remarque Pascal Strupler. On nous promet qu’elles vont profondément transformer la prise en charge du cancer, mais elles sont souvent très chères. Nous devons les évaluer individuellement afin de garantir que les meilleurs soins soient accessibles aux patients, sans pour autant faire exploser les coûts de la santé.»
Limiter l’exposition aux facteurs de risques comme le tabac, et promouvoir des comportements qui protègent contre le cancer comme l’exercice physique apparaissent comme d’autres pistes prometteuses – et bon marché – pour lutter contre le cancer. Dans cet objectif, l’OFSP élabore actuellement une Stratégie nationale prévention des maladies non transmissibles, en collaboration avec les cantons et divers acteurs. Elle devrait être approuvée ce printemps par le Conseil fédéral.
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