Face à ce qu’elle considère comme «la crise sanitaire mondiale majeure de notre époque», l’Organisation mondiale de la santé a appelé aujourd’hui à effectuer des tests pour chaque cas suspect de Covid-19. «Le moyen le plus efficace pour prévenir les infections et sauver des vies est de casser la chaîne de transmission, a appuyé Tedros Adhanom Ghebreyesus sur son compte Twitter. Et pour faire cela, il est nécessaire de tester et d’isoler. On ne peut pas stopper cette pandémie si on ne sait pas qui est infecté. Nous avons un message pour tous les pays: testez, testez, testez…»

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La Suisse semble néanmoins déterminée à persister dans l’approche adoptée jusque-là, à savoir ne dépister que les cas à risques ou symptomatiques. «Nous n’avons pas accès à 8,5 millions de tests, nous devons donc agir de manière ciblée, justifie le conseiller fédéral Alain Berset, lors d’une conférence de presse qui s’est tenue ce lundi à Berne. Nous ne sommes plus dans une situation où il nous semble envisageable de pouvoir éteindre le virus, personne n’y est parvenu. Il faut aujourd’hui accepter que des personnes attraperont le virus et développeront une certaine immunité.»

Eviter de naviguer à vue

Cette stratégie est toutefois contestée par de nombreux scientifiques, qui se sont exprimés publiquement afin d’inciter les autorités à réaliser des tests à large échelle, et dont la parole est aujourd’hui bridée par certains services de communication des gouvernements cantonaux. Pour les épidémiologistes, ces campagnes massives de dépistage sont essentielles afin d’avoir une vision claire sur l’évolution du virus et circonscrire la propagation de l’épidémie de manière ciblée.

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«En dehors du diagnostic des cas individuels, les tests ont deux fonctions», explique Neeraj Sood, professeur en politique publique de l’Université de Caroline du Sud, dans une opinion publiée ce dimanche dans le Wall Street Journal. «La première consiste à obtenir des informations précises sur les taux de contagion et de mortalité du virus. Ne tester que des patients malades ou symptomatiques ne nous permettra pas de découvrir la vérité.»

Difficile en effet de connaître le taux exact de létalité d’une maladie, lorsque seules les personnes gravement atteintes sont testées. Or, on sait que repérer davantage de malades réduit mathématiquement la proportion de décès. Impossible également d’évaluer concrètement la capacité du virus à se propager de manière asymptomatique, par exemple entre les tranches d’âge les plus jeunes et les plus âgées.

Eviter une propagation involontaire

Le deuxième objectif est d'éviter la propagation du virus en isolant les personnes infectées et retrouver les personnes qui propagent involontairement la maladie.

Cette approche de dépistage massif du virus SARS-CoV-2 a été adoptée très tôt par la Corée du Sud, où le nombre de tests pratiqués – 20 000 par jour contre 2000 en Suisse – a dépassé les 250 000 ce 15 mars.

Le pays a habilité quelque 500 cliniques à réaliser des tests de dépistage, dont une quarantaine de cliniques ambulantes qui réalisent des tests au volant, avec des résultats envoyés par SMS le lendemain. Les proches des personnes contaminées y sont également recherchées de manière systématique avant d’être testées à leur tour. Pour l’heure, cette stratégie semble porter ses fruits, puisque le taux de mortalité a été maintenu relativement bas et que le nombre de personnes infectées semble également se tasser.