Avec ou sans symptômes, la transmission du coronavirus en question
épidémie
En Allemagne, quatre cas de transmission du coronavirus par une patiente sans symptômes apparents ont semé le doute. Jusqu’à ce qu’une enquête révèle que celle-ci était bel et bien malade. Les études s’accumulent, mais le mode de propagation du virus reste mystérieux

Alors que le bilan de l’épidémie du coronavirus 2019-nCoV s’alourdit, avec 425 morts annoncés mardi 4 février par le gouvernement chinois, les scientifiques s’activent pour récolter un maximum d’informations sur ce nouveau virus.
Une recherche du terme «2019-nCoV» sur le site BioRxiv, qui héberge des articles scientifiques en attente de publication et donc non validés, renvoie 50 résultats pour la période du 1er janvier au 4 février 2020. Sur PubMed, la plus importante base de données pour la recherche médicale, on en dénombre 35 sur le même intervalle, des articles pour la plupart passés au crible de l’évaluation par les pairs dans des revues telles que The Lancet ou The New England Journal of Medicine (NEJM).
Un virus émergent dont on ne savait rien il y a quelques semaines à peine, une situation aussi urgente qu’inquiétante, et sans doute aussi une certaine précipitation: les ingrédients sont réunis pour commettre des erreurs factuelles dans les études, y compris dans les plus prestigieux journaux médicaux.
Une femme, quatre cas
Un cas clinique décrit le 30 janvier dans le NEJM a ainsi été ouvertement critiqué, rapporte le magazine Science. Les auteurs, en majorité issus de l’Hôpital universitaire de Munich, déclarent avoir identifié quatre cas de transmission interhumaine du coronavirus.
Fait inquiétant, la personne contaminante ne présentait aucun symptôme de la maladie, écrivent les auteurs. L’information signifie que la contamination aurait eu lieu durant la période d’incubation, autrement dit que rien ne permettrait de discerner une personne contagieuse d’une autre en bonne santé, rendant l’épidémie plus difficile à contrôler.
La personne en question est une femme chinoise ayant voyagé pour affaires depuis Shanghai jusqu’en Bavière les 20 et 21 janvier. Elle a assisté à une réunion avec d’autres individus qui sont par la suite tombés malades. Cette femme est ensuite repartie en avion vers la Chine. Ce n’est qu’à son retour qu’elle a commencé à ressentir les premiers effets de la maladie, avant d’être diagnostiquée positive au 2019-nCoV. «Le fait que des personnes asymptomatiques constituent de potentielles sources d’infection par le 2019-nCoV pourrait justifier une réévaluation des dynamiques de transmission de la présente épidémie», prévenaient les auteurs.
Aucune preuve
Sauf que ces derniers n’ont pas pu joindre la patiente chinoise pour évaluer son cas, se contentant d’interroger les personnes contaminées. Des enquêteurs de l’Institut Robert-Koch, agence fédérale chargée du contrôle des épidémies, et de l’Autorité de sécurité alimentaire de Bavière sont parvenus à interroger la patiente par téléphone. Ils ont obtenu confirmation que celle-ci était loin d’être asymptomatique puisqu’elle souffrait de fatigue et de douleurs musculaires, et prenait du paracétamol. Autrement résumé, ces cas de transmission étaient plus ordinaires que présentés dans le NEJM.
De fait, «la transmission asymptomatique du coronavirus n’est pour le moment pas observée, modère Frédéric Tangy, du Laboratoire d’innovation vaccinale de l’Institut Pasteur à Paris. Pour la démontrer, il faudrait faire des prélèvements auprès de mille personnes, famille, voisins, commerçants, etc. ne présentant aucun signe de maladie mais ayant été en contact avec une personne diagnostiquée positive». C’est sans doute ce qui est actuellement entrepris en Chine, suppose le chercheur, qui rappelle qu’un unique cas de transmission ne constitue pas une preuve scientifique: «En temps normal, il faut décrire au minimum 40 à 50 cas de transmission pour espérer être publié. C’est une erreur sans doute due à la pression et au contexte actuel.»
Quoi qu’il en soit, tout le monde n’est pas convaincu de l’impact qu’auraient ces personnes sur l’épidémie. Directeur de l’Institut national américain des allergies et des maladies infectieuses, Anthony Fauci a déclaré en conférence de presse que «dans toute l’histoire […], les transmissions asymptomatiques n’ont jamais été le moteur des épidémies». Avis partagé par Frédéric Tangy: «Les patients asymptomatiques sont aussi ceux qui possèdent le moins de virus, des centaines voire des milliers de fois moins que les patients fortement malades.» Pour comprendre comment se propage le 2019-nCoV, il faudra donc effectuer davantage de recherches.