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Les trois des quatre auteurs de l'étude mettent en cause la société Surgisphere ayant collecté les données de leur refuser l'accès. Cette étude fut à l'origine d'un changement éphémère de politique de l'Organisation mondiale de la santé

Submergée de critiques de scientifiques du monde entier, l'étude du Lancet sur l'hydroxychloroquine dans le traitement du Covid-19 a finalement sombré jeudi après la rétractation de trois de ses quatre auteurs.
«Nous ne pouvons plus nous porter garants de la véracité des sources des données primaires», écrivent les trois auteurs au Lancet, mettant en cause le refus de la société les ayant collectées, dirigée par le quatrième auteur, de donner accès à la base de données. Publiée le 22 mai dans la célèbre revue médicale, l'étude concluait que l'hydroxychloroquine n'était pas bénéfique aux malades du Covid-19 hospitalisés et pouvait même être néfaste.
Today, three of the authors have retracted "Hydroxychloroquine or chloroquine with or without a macrolide for treatment of COVID-19: a multinational registry analysis" Read the Retraction notice and statement from The Lancet https://t.co/pPNCJ3nO8n pic.twitter.com/pB0FBj6EXr
— The Lancet (@TheLancet) June 4, 2020
Alors que d'autres travaux à plus petite échelle étaient parvenus à la même conclusion qu'elle, sa parution avait eu un retentissement mondial et des répercussions spectaculaires, poussant notamment l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à suspendre ses essais cliniques sur l'hydroxychloroquine contre le Covid-19.
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Mais les critiques n'ont pas tardé, en masse, venues des défenseurs de la controversée molécule comme le chercheur français Didier Raoult qualifiant l'étude de «foireuse», mais aussi de scientifiques sceptiques sur l'intérêt de ce médicament pour les malades contaminés par le nouveau coronavirus. Alors mercredi, l'OMS a finalement annoncé la reprise des essais cliniques avec l'hydroxychloroquine et l'étude européenne Discovery envisage de faire de même.
Surgisphere a refusé de transférer la base de données
Les principales critiques portaient sur la fiabilité des données de cette étude (96 000 patients de 671 hôpitaux) collectées par Surgisphere, qui se présente comme une société d'analyse de données de santé et qui est dirigée par Sapan Desai, quatrième auteur de l'article. Les auteurs ont alors répondu en annonçant un audit «indépendant» sur leurs résultats et l'origine des données. Mais trois d'entre eux, dont le principal Mandeep Mehra, ont finalement jeté l'éponge.
Surgisphere ayant refusé de transférer la base de données en raison des accords de confidentialité avec ses clients, les experts missionnés «n'ont pas pu conduire une revue indépendante et nous ont informés de leur retrait du processus d'évaluation par les pairs», écrivent-ils dans le texte publié jeudi par le Lancet, présentant «leurs plus profondes excuses». Dans son communiqué, Le Lancet, assurant prendre «très au sérieux les questions d'intégrité scientifique», estime "urgent» d'évaluer d'autres collaborations avec Surgisphere.
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«Il y a encore des questions en suspens sur Surgisphere et les données prétendument intégrées dans cette étude», insiste la revue, qui avait déjà publié mardi soir un avertissement sous la forme d'une «expression of concern» («exprimant sa préoccupation»).
D'autres études réfutables
Le New England Journal of Medicine (NEJM), qui avait publié une étude de la même équipe réalisée avec les données de Surgisphere, sur le lien entre la mortalité due au Covid-19 et les maladies cardiaques, a lui aussi annoncé jeudi soir la rétractation de ces travaux.
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Mercredi, une autre étude menée aux Etats-Unis et au Canada publié dans le NEJM a conclu que la molécule est inefficace dans la prévention du Covid-19. Ces résultats étaient très attendus car il s'agissait d'un essai contrôlé randomisé, protocole considéré comme la référence pour l'étude des résultats cliniques. Mais elle est «trop petite pour être irréfutable», a insisté Martin Landray, épidémiologiste à l'université d'Oxford.