Un nouveau départ grâce à la chirurgie reconstructive
La belle histoire
L’association 2nd Chance, cofondée par le médecin genevois Pierre Quinodoz, a pour mission de développer la chirurgie reconstructive en Afrique en formant des médecins sur place, afin de soigner des personnes atteintes de handicaps physiques ou de mutilations

On mérite tous une deuxième chance. Pour Pierre Quinodoz, cofondateur et président de l’association 2nd Chance, cette formule est loin d’être un poncif. On en prend aisément la mesure lorsque, par le récit du spécialiste genevois en chirurgie plastique, esthétique et reconstructive, on prend conscience des raisons qui, il y a dix ans, ont poussé à la création de cette organisation à but non lucratif, dont l’objectif est d’aider, en Afrique, les personnes souffrant de handicaps sévères à retrouver une vie normale.
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«Chaque année, le nombre de décès pouvant être évités grâce à des actes chirurgicaux est six fois supérieur à ceux engendrés par le VIH, la malaria et la tuberculose combinés, explique Pierre Quinodoz. Les lésions traumatiques sont la principale cause de décès chez les personnes de moins de 45 ans. Malgré ces statistiques, il n’existe aucune stratégie globale pour répondre à cette problématique et améliorer l’accès aux soins chirurgicaux, anesthésiques et obstétriques pour les populations les plus démunies.»
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Des millions d’adultes et d’enfants vivent aujourd’hui en Afrique avec un handicap, conséquence de malformations congénitales, d’accidents, de mutilations liées à des conflits armés ou de maladies déformantes. «Ces personnes sont non seulement isolées, mais elles ont aussi très souvent des difficultés à manger, à respirer, à parler ou encore à se déplacer, relate le chirurgien. Par manque d’accès aux soins, celles-ci sont contraintes de vivre toute leur vie avec leur invalidité, même si des traitements chirurgicaux existent. Cela porte aussi atteinte à leur intégration socio-économique et affecte leur capacité à subvenir à leurs besoins sur le long terme.»
Vocation de pérennité
Contrairement à des missions humanitaires qui se rendraient sporadiquement sur le terrain afin d’opérer des patients mutilés, l’association 2nd Chance s’est donné une vocation plus pérenne, en mettant sur pied des programmes de formation de chirurgiens et de chirurgiennes, en partenariat avec le Collège ouest africain des chirurgiens (COAC) et le Collège des chirurgiens de l’Afrique de l’Est, du centre et du sud (Cosecsa).
«Nous voulions impérativement éviter d’avoir ce regard post-colonialiste, où l’on croit bien faire en envoyant des médecins suisses opérer en Afrique ou en transférant des patients africains ici, pointe le plasticien genevois. Nous nous sommes par ailleurs rapidement rendu compte du manque de spécialistes en chirurgie reconstructive sur le continent africain, la plupart des pays n’ayant pas de services de chirurgie réparatrice et aucune structure de formation.»
Comment expliquer ce manque de compétences locales en chirurgie reconstructive? «La plupart des spécialistes africains dans ce domaine sont des fils de dirigeants ou de parents dotés de gros moyens, qui sont partis se former à l’étranger et qui ne reviennent plus ensuite, pointe Pierre Quinodoz. Ce schéma nous est devenu insupportable, d’autant plus que si une catastrophe arrive il est impératif que des médecins, sur place, puissent opérer rapidement.»
Sensibiliser les autorités locales
Depuis dix ans, l’association 2nd Chance – qui fonctionne grâce au bénévolat de ses membres actifs et aux dons d’institutions publiques et privées –, a ainsi contribué à soigner 1049 patients et à former 462 chirurgiens et 163 anesthésistes au sein de 26 pays. Une vingtaine de chirurgiens sont par la suite devenus formateurs. Dans le cadre des formations dispensées, l’association finance les opérations ainsi que le matériel nécessaire.
Si les chirurgiens peuvent ensuite prendre en charge leurs patients de manière autonome, faut-il encore qu’ils puissent en trouver. «Dans un pays où la sécurité sociale n’existe pas, la plupart des personnes touchées par un handicap n’ont pas les moyens de financer leur opération, se désole Pierre Quinodoz. Certains des médecins que nous avons formés essaient d’ouvrir des départements dédiés à la chirurgie réparatrice dans les hôpitaux, par exemple pour venir en aide aux grands brûlés. Mais les pansements ainsi que le suivi de ces patients coûtent très cher.»
L’un des objectifs de l’association est désormais de trouver des moyens de financer l’installation de ces médecins, sans pour autant contourner les systèmes de santé locaux. «Nous sommes notamment en train de monter une véritable task force sur place composée de chirurgiens plasticiens africains actifs dans les soins aux patients, se réjouit Pierre Quinodoz. Son but sera aussi de sensibiliser les autorités locales aux besoins de la population en chirurgie reconstructive, qui sont nombreux.»