Une opération virtuelle des yeux, pour former les jeunes chirurgiens
Médecine
Un simulateur d'opération de chirurgie ophtalmique permet aux internes des Hôpitaux universitaires de Genève de s'entraîner à opérer. Une première en Suisse

Dans une pièce du service d’ophtalmologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), un médecin se penche sur un microscope, prend ses instruments et commence à opérer. Ses pieds guident le microscope grâce à des pédales ultrasensibles. D’une main il tient une pince lumineuse lui permettant d’éclairer le fond de l’œil. De l’autre, il incise et extrait les membranes qu’il visualise à travers le microscope.
La description évoque la routine d’un bloc opératoire. Pourtant, l’opération qu’il est en train de réaliser est virtuelle. Tête en plastique gris, yeux en silicone et seulement trois instruments à disposition. Sur ce simulateur d’ophtalmologie chirurgicale, le médecin peut choisir l’intervention qu’il souhaite exercer: cataracte, décollement de rétine, pose d’une lentille. Une fois le programme lancé, l’opération virtuelle peut être visualisée sur grand écran par les autres médecins.
Imagerie virtuelle
Au service d’ophtalmologie des HUG, la mise en place de ce simulateur dernier cri permet aux médecins chefs et aux internes de simuler ces interventions de précision. En effet, bien que l’opération de la cataracte soit l’opération la plus pratiquée dans le monde, les médecins apprennent «sur le tas» en observant puis réalisant ces interventions sur de vrais patients. Grâce au développement de l’imagerie virtuelle, ce simulateur d’une valeur de 180 000 francs, permet aux chirurgiens d’entraîner leurs gestes avant d’opérer dans la réalité.
Comme dans un jeu vidéo
Ici apparaît la mise en scène d’un œil couvert de petites billes de couleurs. Comme dans un jeu vidéo, le chirurgien utilise ses instruments pour éliminer les billes les unes après les autres. Des sons sont émis par la machine, «voyez, ces sons me permettent de connaître ma vitesse de coupe!» Si l’incision n’est pas précise et que le cristallin est touché, une tache blanche apparaît sur l’écran. Si elle est rouge, c’est l’hémorragie.
De plus, chaque intervention possède différents niveaux de complexité. Selon Gabriele Thumann, médecin cheffe du service d’ophtalmologie qui a appuyé l’achat du simulateur: «Les futurs chirurgiens ne peuvent pas sauter des étapes et doivent parfaitement maîtriser leurs gestes avant de passer au niveau suivant». Et d’ajouter: «En toute transparence j’ai ensuite accès à leurs résultats et vois les gestes qu’ils doivent encore entraîner». Aux Etats-Unis, où le simulateur est utilisé depuis plusieurs années, certains examens se passent sur l’appareil et permettent de recruter les jeunes internes destinés à faire de la chirurgie ophtalmique.
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Gabriele Thumann estime que «le simulateur est indispensable pour l’apprentissage des futurs chirurgiens». En effet, l’ophtalmochirurgie exige des gestes très précis, sans trembler. De plus, l’œil n’offre pas de résistance aux pinces et scalpels, le chirurgien ne ressent donc pas l’impact de ses gestes et doit tous les mémoriser. «S’entraîner est le seul moyen pour apprendre à se positionner, ne pas trembler, gérer ses mains et ses pieds de manière totalement indépendante. Les gestes que l’on fait en intervention sont si précis et minutieux qu’ils doivent devenir complètement familiers», conclut le médecin.
Pour les chirurgiens aguerris
S’exercer sur le simulateur suffit-il à pouvoir ensuite opérer? «Le simulateur n’offre pas la réaction biologique du tissu, c’est de la réalité virtuelle. Bien qu’il soit très réaliste, il manque bien entendu d’une certaine finesse mais il est ce qu’on fait de mieux aujourd’hui», répond Gabriele Thumann. Les séances durant lesquelles les futurs chirurgiens assistent aux opérations ne seront pas supprimées». Par exemple une vraie hémorragie fera certainement plus de dégâts collatéraux que ce que peut simuler l’appareil. Et d’ajouter: «Il m’est très utile pour estimer si un futur chirurgien fait les bons gestes, s’il prend de bonnes habitudes. Après, au bloc, il n’y a plus qu’à se concentrer sur les détails de ce qui reste à faire».
Le médecin souhaite que le simulateur ne soit pas uniquement destiné à la formation, et accessible aux autres spécialistes de chirurgie ophtalmique du canton: «Entre spécialistes aussi il est utile. Par exemple pour partager des expériences. Ou si l’on doit répéter des opérations compliquées».
Une technologie aux avancées prometteuses. Selon Gabriele Thumann, l’Hôpital universitaire de Zürich aurait le projet d’en acquérir un prochainement.
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