Décidément, les relations tumultueuses entre les barbes et les bactéries n'en finissent pas de faire parler d'elles.

Souvenez-vous. Au printemps 2015, le web s'enflammait autour d'une étude qui avait détecté la présence de bactéries fécales dans des échantillons de barbe. La conclusion, un buzz médiatique garanti, n'apportait pourtant strictement rien de nouveau: évidemment que l'on trouve des bactéries sur des poils de barbe, tout comme on en trouverait sur vos cheveux, vos ongles, vos lèvres, bref, partout, et ce même si vous prenez dix douches antiseptiques par jour.

Barbes et infections nosocomiales

Cherchant à en savoir plus sur le sujet, des journalistes de l'émission Trust me I'm a doctor de la BBC sont tombés sur une étude autrement plus sérieuse publiée dans le Journal of Hospital Infection. Le protocole mise en place par une équipe d'un hôpital de Boston reposait sur l'analyse d'échantillons de peau et de barbe récoltés auprès de 408 personnes, barbues ou non, travaillant dans des hôpitaux.

Pourquoi dans des hôpitaux? Parce que c'est là que que se trouvent les plus résistantes des bactéries, celles responsables des infections nosocomiales contre lesquelles il n'y a pas grand chose à faire. Les poignées de porte, les gants, les robinets ont tous un temps été suspectés d'être des nids à bactéries dangereuses. Et pourquoi pas les barbes, se sont demandé les auteurs.

Ces derniers ont donc recherché dans ces échantillons la présence du staphylocoque doré, une bactérie responsable de ce type d'infection. Surprise, ils en ont trouvé jusqu'à trois fois moins chez les barbus que chez les rasés de frais. Pourquoi? Nul ne le sait vraiment.

Barbe antiseptique

Partant de cette découverte qui soulevait plus de questions qu'elle n'en élucidait, les journalistes britanniques de la BBC se sont demandé si quelque chose dans la barbe pouvait avoir une action antibactérienne.

Ils ont pour cela envoyé des échantillons de barbe à Adam Roberts, un microbiologiste de l'University College de Londres. Lequel a, sans surprise, a retrouvé des traces de plus d'une centaine de bactéries, dont celles détectées dans l'étude de 2015.

Mais certaines boîtes de Petri dans lesquelles le chercheur avait effectué ses cultures avaient une apparence différente. Après analyse, celles-ci contenaient beaucoup moins de bactéries que les autres, comme si on les avait désinfectées.

Adam Roberts a fini par isoler le responsable de cette hécatombe: il s'agit d'une bactérie nommée Staphylococcus epidermis, plus connue sous le nom de staphylocoque blanc. Mise en présence de divers pathogènes, rien ne semble lui résister, pas même des bactéries multi-résistantes aux antibiotiques.

«Barbicilline»

Tout comme le champignon penicillium fabrique de la pénicilline, le staphylocoque blanc retrouvé dans les barbes produit-il un puissant antibiotique (de la «barbicilline» plaisante l'équipe de la BBC)? L'absence dans cette étude d'un véritable cadre scientifique pousse évidemment le Pr Roberts à la prudence, qui se garde bien de conclure quoi que ce soit.

Mais cette découverte fortuite pourrait déboucher sur des études plus approfondies. Les pathogènes résistants tuent 700 000 personnes chaque année, rappelle-t-il, alors qu'aucune nouvelle molécule antibiotique n'est arrivée sur le marché depuis 30 ans. Les recherches sur les bactéries des barbus ne font peut-être que commencer.