L’appendice, point de départ du parkinson?
Santé
Le risque de développer une maladie de Parkinson serait environ 20% moins élevé chez les personnes ayant subi une appendicectomie, d’après une vaste étude qui suggère de troublants liens entre système digestif et cerveau

Elle touche près de 10 millions de personnes dans le monde et quelque 15 000 individus en Suisse, pourtant ses causes restent encore largement inexpliquées. La maladie de Parkinson se caractérise principalement par une lenteur des mouvements associée à une raideur et des tremblements au repos. D’autres symptômes –comme des troubles digestifs – peuvent apparaître des dizaines d’années avant la survenue des premiers problèmes moteurs.
Publiée ce mercredi 31 octobre dans la revue Science Translational Medicine, une étude vient pointer du doigt le rôle étonnant que l’appendice (une petite structure du système digestif agissant comme une fabrique de globules blancs, et comme réservoir de la flore bactérienne) pourrait avoir dans l’apparition de cette maladie. Réalisée sur une large cohorte de près de 1,7 million d’individus dans le monde, cette recherche a notamment démontré que le risque absolu de développer l’affection serait environ 20% moins élevé chez les personnes ayant subi une appendicectomie plus tôt dans leur vie.
Un coupable tout trouvé?
Chez les personnes touchées par un parkinson, les neurones responsables de la production de dopamine, un neurotransmetteur impliqué dans le contrôle de la motricité, de la motivation et du plaisir, disparaissent progressivement du cerveau. En cause: la présence d’alpha-synucléine, une protéine dont la fonction précise n’est pas connue, et qui, lorsqu’elle forme des agrégats, détruit progressivement les cellules nerveuses.
Depuis peu, il a été identifié que l’alpha-synucléine pouvait non seulement voyager du tube digestif vers le cerveau, via le nerf vague, mais qu’elle était aussi présente dans le tube digestif longtemps avant le diagnostic de parkinson. En travaillant sur des rats, des chercheurs de l’Université de Lund, en Suède, ont ainsi émis l’hypothèse que le processus pathologique de la maladie de Parkinson pourrait débuter non pas dans le cerveau, mais dans le tractus gastro-intestinal.
Une excroissance méconnue
C’est sur cette base que l’équipe menée par Viviane Labrie, de l’Institut de recherche Van Andel (Michigan), a décidé d’explorer le rôle de l’appendice. «Si nous avons choisi de nous concentrer sur cette petite excroissance, c’est que nous savons désormais qu’elle joue un rôle important dans le système immunitaire du tube digestif et la régulation du microbiote intestinal [les dix mille milliards de bactéries et autres micro-organismes vivant dans notre organisme], explique l’auteure principale de l’étude. Or, chez les personnes atteintes de la maladie de Parkinson, on a pu observer des modifications sensibles du microbiote, ce qui pourrait éventuellement expliquer l’apparition de la pathologie.»
Les résultats de l’étude démontrent deux points importants: d’une part, l’appendice serait, chez les sujets sains comme chez ceux atteints par la maladie de Parkinson, un réservoir où s’accumulent des agrégats d’alpha-synucléine, et ce dès le plus jeune âge. Selon les chercheurs, la pathologie se déclencherait lorsque les mécanismes d’élimination de cette protéine sont déficients, ou si ceux empêchant la propagation d’alpha-synucléine au cerveau dysfonctionnent. «Une connaissance plus approfondie de ce phénomène pourrait permettre de conduire à une meilleure compréhension de la maladie, mais aussi de trouver de nouvelles formes de thérapie», espère Viviane Labrie.
Le rôle des pesticides
Les auteurs montrent aussi que les bénéfices liés à une appendicectomie antérieure seraient plus élevés chez les personnes vivant dans les régions rurales et donc davantage enclines à être exposées aux pesticides. Leur risque absolu de contracter la maladie serait ainsi diminué de 25%.
«Cette recherche conforte deux hypothèses: la maladie de Parkinson débuterait tôt dans le tube digestif, et les facteurs environnementaux, comme l’exposition aux pesticides, ont un rôle dans l’apparition de la pathologie chez les personnes prédisposées génétiquement», constate Vanessa Fleury, neurologue aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
Si le système gastro-intestinal et le microbiote semblent jouer un rôle important dans la maladie de Parkinson, les mécanismes à l’œuvre sont toutefois encore très incertains. Afin de tester le rôle de la flore intestinale dans l’apparition de la maladie, une équipe des HUG, dont fait partie Vanessa Fleury, vient de lancer une étude pilote comparant le microbiote présent dans la cavité buccale de patients parkinsoniens et de sujets sains, et leur niveau d’inflammation buccale. «Nous pensons que ces deux facteurs pourraient favoriser l’agrégation d’alpha-synucléine et son passage dans le cerveau», ajoute la neurologue. Pour le savoir, il faudra encore attendre quelques mois.