Avec «Tête chercheuse», Le Temps donne la parole aux scientifiques de Suisse romande, pour comprendre ce qui les occupe, les inspire, les fascine et les mobilise dans leurs recherches. Un nouveau rendez-vous à retrouver tous les premiers et troisièmes mardis du mois

Les autres têtes chercheuses:
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Ce qui m’a donné envie d’être scientifique…

La nature est une source constante de fascination. Tenez, vous avez déjà remarqué que les arbres poussant en pente sont généralement de même hauteur – ce qui veut dire que ceux en aval poussent un peu plus haut pour égaliser leurs congénères? Je ne sais même plus quelle est l’explication d’ailleurs (rires).

Parmi les personnalités qui m’ont inspiré, il y a Marie Curie. Deux Nobel dans deux disciplines différentes, ça donne une idée de son niveau! J’ai également un profond respect pour un autre scientifique moins connu: Wilhelm Foissner, le père de l’étude des protistes, des micro-organismes fascinants peu étudiés alors qu’il en existerait 10 millions d’espèces rien que dans les sols. C’était un scientifique old school, une armoire à glace autrichienne bien bourrue, mais aussi une incroyable encyclopédie qui rappelait les naturalistes de l’ancien temps. Il connaissait tout sur ces espèces! Il est décédé cette année, malheureusement.

Finalement, je suis devenu…

Biostatisticien. On ne peut comprendre et améliorer que ce que l’on mesure. Cela vaut, évidemment, pour l’environnement, mon domaine de spécialisation. Je travaille au Laboratoire de la biodiversité du sol à l’Université de Neuchâtel, un travail qui consiste, si l’on veut, à mettre la nature en équations! Au quotidien, j’aide les biologistes qui cherchent un appui mathématique pour leurs travaux.

J’ai aussi une chaîne YouTube de vulgarisation, «Le Biostatisticien». Le truc drôle, c’est que plus jeune, j’étais nul en stats. Mais bon, il faut croire que des parents profs de maths et de bio m’ont permis d’y arriver, surtout en stimulant ma curiosité…

S’il faut me ranger dans une case…

Mettez-moi avec les geeks. J’aime les maths, la bidouille électronique, l’informatique, tout ce qui touche à la science. Quand un sujet m’intéresse, je creuse, je me documente à fond et j’apprends. J’adore les sciences, mais s’il y a quelque chose que je déteste, ce sont les vieux profs tyranniques… Bon, je vous rassure, j’ai aussi d’autres loisirs! J’aime la musique, je joue de la guitare. La musique, c’est comme les maths, il y a plein de choses rigolotes à faire avec. Dans mon travail, je décris la nature avec des formules mathématiques, mais on peut très bien le faire sous forme de musique. Si j’avais fait un autre métier, ça aurait été luthier! Il y a quelque chose de passionnant dans le fait de produire des objets de ses mains.

Ce qui m’inquiète dans les sciences en ce moment…

C’est la santé mentale des doctorants, qui se détériore grandement. Ce sont des gens habituellement en situation précaire rendue encore plus compliquée par la pandémie. Il y a beaucoup de cas très difficiles.

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