biologie
Les parasites sont au centre de la nouvelle exposition du musée de Zoologie de Lausanne. Ces profiteurs, qui vivent aux dépens de leur hôte, jouent aussi un rôle important dans la sélection naturelle

Micro-organisme responsable de la malaria, poux et puces, vers intestinaux et autres poissons vampires ont un point commun: ils font partie de la grande famille des parasites, ces êtres qui vivent aux dépens d’autres organismes. Quelles que soient leurs cibles, ces infâmes profiteurs jouent un rôle fondamental dans l’évolution du monde du vivant. Cet aspect méconnu de leur biologie est à découvrir dans le cadre de la nouvelle exposition temporaire du musée cantonal de Zoologie de Lausanne. Les parasites seraient ainsi à l’origine des plumes chatoyantes du paon… mais aussi de la reproduction sexuée. Rien que ça!
Dans une relation parasitique, l’hôte procure malgré lui le gîte et le couvert à son convive. Conservateur au musée cantonal de Zoologie de Lausanne et coauteur de l’exposition, Olivier Glaizot explique: «Certains parasites peuvent se nourrir du sang, de la peau ou des plumes de l’hôte, ce qui va l’affaiblir. Dans les nids d’hirondelle par exemple, on peut trouver des centaines de puces et chacune va prélever des petites quantités de sang sur les poussins. A cela s’ajoutent le temps et l’énergie dépensés par les oiseaux parasités pour se débarrasser de ces indésirables.» Et le biologiste de poursuivre: «Les parasites jouent donc un rôle dans l’élimination des individus les plus faibles. Ils exercent ainsi une pression de sélection qui engendre une évolution.» En effet, un individu parasité est désavantagé par rapport à un individu non parasité dans la lutte pour la survie.
Selon Laurent Keller, professeur de biologie évolutive à l’Université de Lausanne: «Le parasitisme est une force évolutive sous estimée. C’est pourtant une cause de mortalité gigantesque. A la base, les parasites n’ont pas avantage à tuer leur hôte, ils ont besoin d’eux pour vivre. Mais ils ont tout de même un effet délétère sur les individus parasités. Etant affaiblis, les hôtes sont plus sujets à la prédation.»
Etre parasité n’est donc pas très enviable. Lorsqu’une femelle a le choix entre différents mâles pour se reproduire, elle va naturellement sélectionner un individu résistant aux parasites. Puisque cette résistance a une base génétique, la femelle peut espérer que la qualité du père sera héritée par sa descendance. Mais comment savoir quel mâle a le moins de parasites?
L’extravagance, preuve de santé
Selon une théorie développée par des biologistes en 1982, des caractères extravagants, particulièrement développés chez les oiseaux, seraient un signal de bonne santé et de résistance aux parasites. Entendez par là, les longues plumes du paon, les couleurs flamboyantes du paradisier ou encore le chant complexe de l’oiseau-lyre. Les femelles favoriseraient donc les mâles ayant le plumage le plus brillant ou la parade la plus longue, qui ont l’énergie de se consacrer à de telles excentricités. «Il s’avère que de tels caractères sexuels secondaires sont handicapants pour les mâles. Je me souviens avoir vu des mâles d’oiseaux en Afrique qui ne volaient qu’avec difficulté à cause du poids et de la taille des plumes de leur queue», raconte Olivier Glaizot. Un individu parasité ne pourrait pas se permettre de perdre son énergie de la sorte.
Comme argument à cette théorie, Roland Maurer, professeur d’éco-éthologie à l’Université de Genève mentionne le fait que: «Les espèces d’oiseaux chez qui le risque de parasitisme est le plus grand sont aussi celles qui ont les plumages les plus éclatants quand le mâle est bien portant. Chez ces espèces, on peut observer une large palette dans les couleurs du plumage qui permet une gradation du signal de santé. Alors que dans les espèces peu susceptibles au parasitisme, cette nécessité n’existe pas. Les plumages sont généralement ternes, aussi bien chez les femelles que chez les mâles.» Sans les parasites, les mâles de certaines espèces d’oiseaux seraient donc beaucoup moins colorés.
Sans parasites, pas de sexe
Un autre aspect pourrait vous faire voir les parasites sous un meilleur jour: s’ils n’existaient pas, il n’y aurait plus de sexualité. En effet, le sexe a peut-être été inventé pour lutter contre les parasites. «Cette théorie est difficile à démontrer, mais une preuve indirecte a été découverte en étudiant le gecko épineux d’Australie», indique Philippe Christe, professeur à l’Université de Lausanne, coauteur des textes de l’exposition du musée de Zoologie.
Chez ce lézard, il existe deux modes de reproduction. La reproduction sexuée où une femelle et un mâle sont nécessaires pour produire une descendance, et la reproduction asexuée. Cette dernière est possible grâce à la parthénogenèse: les femelles pondent des œufs non fécondés, qui donneront exclusivement naissance à des femelles, toutes génétiquement identiques. «Lors d’une comparaison au sein d’une même population, il a été observé que les individus issus de la reproduction asexuée abritent jusqu’à 40 fois plus d’acariens parasites que ceux à reproduction sexuée, révèle Philippe Christe. La sexualité serait donc un avantage: la diversité génétique qu’elle assure dans la descendance empêche qu’un parasite puisse toucher tous les individus. Elle apporte une probabilité d’avoir un individu résistant aux parasites, ce qui n’est pas le cas avec les individus issus de la parthénogenèse.» Alors, pour ou contre les parasites?
«Parasites, l’exposition qui démange» est visible au Musée de Zoologie de Lausanne jusqu’au 20 août 2017, entrée gratuite. D’ailleurs, toutes les expositions du Palais de Rumine sont dorénavant gratuites. Deux samedis par mois, l’exposition accueillera de jeunes biologistes qui effectueront leurs travaux de recherche en parasitologie sous vos yeux et avec votre aide. Speed dating scientifique et visites commentées par des spécialistes font également partie des activités proposées au public.