Dobby est un berger allemand de 14 ans, soit 98 ans en «années chien», un âge honorable. «Je me rends bien compte des processus de vieillissement chez lui», observe son maître Matt Kaeberlein, chercheur à l’Université de Washington à Seattle, qui étudie les effets liés à l’âge.

Il est aussi codirecteur du Dog Aging Project, programme de recherche de grande envergure pour étudier les mécanismes du vieillissement chez plus de 10 000 chiens de compagnie aux Etats-Unis. Le Dog Aging Project est conduit par l’un des groupes de scientifiques qui entendent trouver un moyen de prolonger la vie des chiens, comme le rappelle la MIT Tech Review dans un article publié mardi, avec aussi le projet Vaika qui étudie le vieillissement de chiens de traîneau à la retraite. Les découvertes chez les chiens pourront ouvrir la porte à des avancées chez l’humain, espèrent les chercheurs. «Cela contribuera grandement à convaincre les gens que c’est possible chez nous aussi, commente Matt Kaeberlein dans la revue américaine. Le vieillissement est modifiable.»

Des milliers de chiens inscrits

Près de 40 000 propriétaires de chiens ont inscrit leur animal dans le projet Dog Aging. Chaque année, ils doivent remplir un questionnaire sur l’histoire médicale de leur chien. Parmi ces animaux, 8500 d’entre eux ont eu leur génome séquencé et certains participeront à des études plus précises sur certains troubles spécifiques comme la démence. «Nous espérons apprendre quels types de régimes alimentaires et d’exercices physiques, ou quelles conditions d’élevage sont associés à de meilleurs résultats à long terme afin que nous puissions faire des choses qui les aident à avoir une meilleure qualité de vie dans leurs dernières années» explique Kate Creevy, vétérinaire en chef pour le Dog Aging Project, dans la MIT Tech Review.

Plusieurs molécules seront aussi testées dans cette cohorte de chiens, comme la rapamycine, une substance qui a prolongé la vie de mouches, de vers et de souris selon plusieurs études menées en laboratoire, rappelle la journaliste Jessica Hamzelou. La rapamycine serait capable de mimer les effets sur le vieillissement d’une restriction calorique. Les chercheurs américains sont en train de tester cette molécule chez 17 chiens âgés de 7 ans et plus. Selon des résultats préliminaires, le profil de sécurité est bon mais le nombre d’animaux est trop petit pour en déduire une efficacité. Une cohorte de 580 chiens a été sélectionnée pour un essai clinique plus large.

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Le projet Vaika s’intéresse aux effets du temps sur l’ADN qui accumule des dommages. Selon Andrei Gudkov, interrogé par la MIT Tech Review, ces altérations sont dues aux fragments de séquences de rétrovirus intégrées dans le génome des chiens au cours des millions d’années d’évolution. «Les parties de l’ADN d’un animal qui contiennent ces fragments sont généralement maintenues «silencieuses» par des marqueurs épigénétiques, explique Andrei Gudkov, mais ce système semble se dégrader avec l’âge.» L’équipe de recherche teste actuellement un médicament censé inhiber l’action de ces fragments de rétrovirus chez 103 chiens retraités. Selon le chercheur, si la substance peut diminuer les modifications de l’ADN dues à l’âge, les chiens pourraient vivre plus longtemps.

Du chien à l’humain

Les chiens sont de bons modèles pour étudier le vieillissement chez l’humain ainsi que les molécules qui pourraient ralentir ou inverser le processus, prédisent les scientifiques contactés par la MIT Tech Review. «Ils mangent notre nourriture, ils marchent sur nos pelouses avec des pesticides, ils boivent ce qui se trouve dans notre eau», explique Elaine Ostrander, qui dirige une équipe chargée d’étudier la génétique humaine et canine au National Human Genome Research Institute des National Institutes of Health à Bethesda, dans le Maryland. Les chiens expérimentent aussi des troubles individuels associés à l’âge similaires à ceux observés chez l’humain, selon Matt Kaeberlein.

Mais des différentes subsistent entre cet animal et son maître, comme le rappelle la journaliste. Le vieillissement est beaucoup plus rapide chez le chien, ce qui en soit en fait un bon modèle d’étude. De plus, les races de ces animaux présentent une grande diversité de traits physiques et physiologiques résultant des sélections génétiques successives ces deux derniers siècles. Ce qui donne plus facilement accès aux gènes importants, par exemple dans l’émergence de cancers. «Pour moi, en tant que généticienne, c’est un peu comme être un enfant dans un magasin de bonbons, commente Elaine Ostrander dans la MIT Tech Review. Je peux comprendre les principaux acteurs [parmi les gènes]… Puis nous pouvons nous pencher sur la santé et la biologie humaines.»