astrophysique
L’astre du jour est à l’honneur lors du 16e Colloque Wright pour la science organisé à Genève.De ses origines à son rôle sur le climat, il livre peu à peu ses secrets

Le Soleil sous les feux de la rampe
Astrophysique L’astre du jour est à l’honneur lors du16e Colloque Wright pourla science organisé à Genève
De ses origines à son rôlesur le climat, il livre peu à peuses secrets
Il est là, dans le ciel, tous les jours, et pourtant, on l’oublierait presque. Le Soleil s’invite dès le 10 novembre à l’Université de Genève à l’occasion du 16e Colloque pour la science de la Fondation H. Dudley Wright, dont Le Temps est partenaire. Pour évoquer notre étoile, quatre prestigieux intervenants – astrophysiciens, climatologue, chimiste – ont été invités à donner des conférences sur ses origines, son effet sur le climat, ou encore sur les moyens de dompter son énergie.
Craint, vénéré, observé, étudié sous toutes les coutures, le Soleil exerce une fascination sans pareille sur l’être humain. Peut-être parce que nous sommes faits de la même matière, la poussière d’étoile. Notre Système solaire a été créé il y a 4,57 milliards d’années, à la suite de l’effondrement d’un nuage (ou nébuleuse) de gaz. En se compactant, ce nuage s’est mis à tourner de plus en plus vite et a engendré le Soleil. Les miettes restantes ont quant à elles formé les planètes, leurs lunes, les astéroïdes, et aussi… la vie.
Cette hypothèse de la nébuleuse solaire, qui date du XVIIIe siècle, «a traversé les années et demeure d’actualité», posant les bases de la théorie standard actuelle, commente Georges Meynet, de l’Université de Genève. Les données obtenues lors de l’exploration spatiale ou encore la découverte d’exoplanètes ont permis d’affiner les connaissances au fil du temps. La mission Rosetta, qui tentera de se poser sur une comète le 12 novembre, devrait également confirmer ou infirmer certaines hypothèses concernant la genèse du Soleil. Et après? «La grande question sera de savoir si la formation de notre Système solaire est un cas rare, ou bien un événement commun dans l’Univers», prédit Georges Meynet.
Autre sujet brûlant, le rôle du Soleil sur les changements climatiques observés ces dernières décennies. En est-il responsable? La question mérite d’être posée, sachant que son rayonnement varie de manière cyclique, tous les onze ans en moyenne. C’est un phénomène bien connu, qui s’accompagne de l’apparition de taches noires à sa surface. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, leur présence n’atténue pas la luminosité. «Les taches assombrissent le Soleil mais les facules, qui sont des zones très lumineuses situées à proximité, compensent largement la perte de luminosité», éclaire Alain Hauchecorne, directeur adjoint du Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (Paris). En d’autres termes, lorsque le Soleil est taché, son activité, que les scientifiques appellent l’irradiance totale, est plus importante. Au point d’augmenter la température?
Des coïncidences flagrantes entre l’irradiance et le climat le laissent supposer. L’absence de taches solaires entre 1645 et 1715 environ – période nommée le minimum de Maunder – correspond à un épisode très froid, le «petit âge glaciaire». Des observations notamment confirmées par les analyses de carottes de glace, véritables archives climatiques qui renseignent sur l’activité solaire passée. Sauf que, n’en déplaise aux climatosceptiques, cette corrélation ne tient que jusqu’à la fin de la période préindustrielle.
Notre étoile se trouve en effet actuellement dans un cycle moins actif que le précédent, et pourtant le mercure continue à grimper. «Le lien entre Soleil et climat ne doit pas uniquement reposer sur l’irradiance totale, conclut Alain Hauchecorne. Il faut prendre en compte d’autres composantes telles que le rayonnement ultraviolet.» Le chercheur s’intéresse désormais à l’effet de ces rayons invisibles sur les hautes couches de l’atmosphère. Leur intensité variant beaucoup d’un cycle à l’autre, ils pourraient altérer l’atmosphère, et donc le climat. Mais dans quelle mesure? Cela reste à élucider. A terme, toutes ces recherches devraient conduire à l’élaboration de modèles climatiques plus pertinents.
Source de vie, de lumière et de chaleur, le Soleil peut également entraîner des catastrophes lorsqu’il entre en éruption. Surtout pour nos sociétés technophiles reposant sur l’électronique. Les immenses poches de particules libérées lors de ces éruptions provoquent en effet des perturbations magnétiques qui neutralisent les générateurs électriques, les satellites ainsi que les systèmes de communication. Une telle tempête avait semé la pagaille dans le réseau électrique québécois en 1989, provoquant une coupure totale d’électricité pendant neuf heures.
Les scientifiques en savent finalement peu sur ce qui provoque ces éruptions, et demeurent incapables de les prévoir de manière fiable.
Mais en octobre, dans la revue Nature , une équipe française a expliqué avoir identifié un phénomène important dans leur déclenchement. Avec, à la clé, la promesse d’une météo spatiale plus fiable. «Nous avons analysé la gestation d’une éruption solaire», raconte l’astrophysicien Tahar Amari, du Centre de physique théorique à Palaiseau, en région parisienne. Grâce à des mesures du champ magnétique à la surface de l’étoile, effectuées par un satellite, ainsi qu’à deux modèles numériques, son équipe a pu retracer l’évolution du champ magnétique solaire durant les quelques jours précédant une éruption survenue en 2006.
Filant la métaphore, Tahar Amari poursuit: «C’est comme si nous avions fait une échographie en 3D du Soleil, en regardant ce qui se passait à l’intérieur.» Ce qu’il a vu? Une structure magnétique en forme de corde, qui apparaît environ quatre jours avant l’éruption, au niveau des taches solaires. Celle-ci croît en surface et lorsqu’elle atteint une certaine altitude (et donc un certain seuil énergétique), c’est le point de non-retour: l’éruption commence. En couplant les mesures satellitaires en temps réel aux modèles mis au point par l’équipe de Tahar Amari, on pourrait donc prévoir les éruptions solaires quelques jours avant leur apparition.
Parmi les autres avancées de l’année, des physiciens de la collaboration Borexino, en Italie, sont parvenus à détecter des neutrinos dits «pp», une classe de particules issues des réactions de fusion nucléaire qui ont lieu au cœur du Soleil. En mesurant leur flux grâce à un détecteur situé sous 1400 mètres de roche, dans le laboratoire du Gran Sasso, ils en ont déduit que le réacteur nucléaire de notre étoile ronronnait tranquillement depuis au moins cent mille ans, presque sans aucune fluctuation. Et qu’il devrait vraisemblablement continuer à faire de même pendant environ 5 milliards d’années, avant de retourner à la poussière, comme tant d’autres étoiles avant lui.
Le réacteur nucléaire de notre étoile devrait continuer à ronronner pendant environ 5 milliards d’années