Le sport – ou plus particulièrement la non-sédentarité et la pratique d’une activité physique régulière – améliore la santé et prolonge la vie. Les maladies cardiovasculaires, les cancers ou encore les maladies neurodégénératives sont autant d’exemples pour lesquels les bénéfices du sport sont bien réels. Si tous les mécanismes impliqués ne sont pas encore compris, il est une évidence physiologique incontournable: le cœur se renforce et c’est l’entièreté du corps qui s’en porte mieux. Mais ce cœur, qui tel un dieu permet la vie et prolonge celle des sportifs, peut aussi la reprendre en plein effort. Les morts subites sont heureusement rares et ne doivent pas cacher le bénéfice du sport sur la santé, surtout s’il est pratiqué de manière adaptée à la personne. Tout le monde est d’ailleurs concerné par ses bienfaits, y compris les malades et les personnes à risque. Médecins du sport et cardiologues sont là pour que le sport soit le meilleur des médicaments: efficace et sans effets secondaires. Pour ce faire, les personnes cardiaques comme les sédentaires de plus de 40 ans, même ultra-connectées aux dernières technologies, seraient bien inspirées de leur rendre visite avant de courir le marathon, voici pourquoi.

Le paradis sportif

Le sport est bon pour la santé et c’est un fait largement prouvé et accepté par la communauté scientifique. Tout a commencé grâce à une étude réalisée sur les habitants de la ville de Framingham dans le Massachusetts aux Etats-Unis. Lancée en 1947, l’étude a suivi le destin médical des habitants sur de longues années et révélé que les personnes ayant une activité physique vivaient plus longtemps que les sédentaires. Les sports de type cardiovasculaire, par exemple la course à pied, la marche, la natation ou encore le vélo ont dès lors été reconnus comme particulièrement bénéfiques pour l’espérance de vie.

Mais que provoque l’exercice dans notre organisme pour prolonger ainsi la vie? Plusieurs hypothèses et de nombreux mécanismes physiologiques ont été identifiés par les chercheurs, même s’il reste beaucoup d’inconnues. Le premier principe avancé par le médecin du sport de l’Hôpital de La Tour, Boris Gojanovic, est une nette amélioration du système cardiovasculaire global, à savoir une meilleure irrigation et plus de débit sanguin. «Cela favorise le fonctionnement des organes en général, car ils sont mieux oxygénés», indique-t-il. Le sport prévient principalement l’apparition des maladies cardiovasculaires. «Une diminution des facteurs d’inflammation atténue la venue des plaques d’athéroscléroses responsables des maladies coronariennes et de l’infarctus du myocarde», précise la doctoresse Tomoe Stampfli, cardiologue à l’Hôpital de La Tour. A cela, il faut ajouter une consommation du mauvais cholestérol et une production de bon cholestérol, un abaissement de la tension artérielle et de la fréquence cardiaque. L’augmentation de facteurs de croissance favorise l’angiogenèse, c’est-à-dire un accroissement du nombre de vaisseaux sanguins également observé. L’efficacité de l’insuline est améliorée: les cellules musculaires répondent mieux à l’insuline et favorisent la métabolisation du glucose, ce qui est bon contre le diabète. Des facteurs de croissance neuronaux sont libérés, ils permettent une meilleure connexion entre les neurones et préviennent l’apparition de maladies neurodégénératives comme l'alzheimer.

Dieu du stade

Il n’est pas nécessaire de concurrencer Roger Federer sur le nombre de victoires en Grand Chelem pour que les bénéfices du sport soient mesurables. Quel que soit le sport, précise Marco Bettoni, cardiologue à l’Hôpital de La Tour, l’important est de ne pas sortir de la zone «cardio», c’est-à-dire être en incapacité de parler. Au-delà de cette zone, les sportifs entrent dans une zone dite de performance et les mécanismes physiologiques s’inversent: la pression artérielle et la fréquence cardiaque augmentent pour assurer une hausse de débit sanguin. Il s’agit de l’adaptation hémodynamique à l’effort, elle est dangereuse pour les cœurs malades et les personnes sous-entraînées. «Le sport ne doit pas faire mal et il faut considérer le sport de haut niveau, type marathon, comme dangereux!» prévient-il. La doctoresse Tomoe Stampfli précise que les personnes mal entraînées sont plus exposées aux problèmes cardiaques. Elle avance, pour illustrer ses propos, que «le taux de troponine, un enzyme cardiaque dont la présence dans le sang est synonyme d’un cœur en souffrance, est beaucoup plus élevé chez une personne qui se met à la pratique d’un sport à des degrés intenses sans entraînement, comparé à celui d’un athlète régulier pratiquant le même exercice.»

L’arrêt cardiaque lors d’un exercice physique intense n’est pas un mythe et provoque des morts subites. Bien que plutôt rares, celles-ci surviennent généralement lors de sports d’endurance extrêmes et/ou chez des cœurs déjà malades. La cardiologue précise que «le marathon de Paris répertorie deux événements cardiaques majeurs, dont 1,7 mort subite sur 100 000 coureurs. La mort subite chez les jeunes de moins de 35 ans est généralement due à un problème morphologique congénital comme la cardiomyopathie hypertrophique, caractérisée par un muscle cardiaque trop épais. Au-delà de 35 ans, il s’agit généralement d’un infarctus du myocarde dû à une maladie coronarienne.»

Douleurs dans la poitrine, malaises, essoufflements, palpitation, arythmie et baisse subite de performance sont autant de signes d’un cœur malade sur le point d’ôter la vie. «Les personnes avec de tels symptômes doivent absolument consulter un médecin», prévient Marco Bettoni. Comme peu de personnes savent vraiment reconnaître ces symptômes, Boris Gojanovic conseille à ceux qui ont «quelque chose qui ne va pas, ceux qui ne se sentent pas bien, qui ont une baisse de force ou qui doivent ralentir malgré eux», de consulter rapidement.

Tous frères

Le sport est excellent pour prévenir l’apparition des maladies cardiovasculaires, mais est-il bon de faire du sport lorsque le cœur est déjà malade? «La réponse est oui, définitivement oui!» indique Tomoe Stampfli. «Nous encourageons nos patients à avoir une activité physique, mais en nous assurant qu’elle est sécuritaire. On peut même faire du sport de compétition avec une maladie coronarienne!» Les personnes cardiaques doivent absolument s’entretenir avec un cardiologue pour définir le type de sport à pratiquer et surtout son degré d’intensité. «Faire de la natation de loisir ou de compétition ne correspond pas au même effort ni au même entraînement pour le cœur.» Il y a des limitations en fonction de chaque pathologie cardiaque et les médecins peuvent aider dans le choix du sport et recommander la juste intensité.

Les personnes cardiaques avérées, celles ayant des symptômes ou celles soupçonnées de l’être, car elles présentent des facteurs de risque tels que le tabagisme, le surpoids, de l’hypertension ou qu’elles ont simplement dépassé la quarantaine, devraient passer par un bilan cardiologique. En Suisse, aucune recommandation de bilan avant la reprise d’un entraînement sportif n’est recommandée aux personnes asymptomatiques et sans facteur de risque. «Les bilans cardiologiques sont faciles à faire et peu coûteux. Ils ont à la fois une valeur diagnostique permettant de dépister des pathologies, et pronostique puisqu’ils permettent d’estimer le risque», précise Marco Bettoni.

Concrètement, les patients vont commencer par une anamnèse lors de laquelle les médecins se renseignent sur les antécédents cardiologiques du patient et de sa famille, la prise de médicaments, le mode de vie et la pratique éventuelle d’un sport. Ensuite, un bilan cardiaque est effectué à travers des tests cliniques. «Le plus important est de détecter d’éventuelles arythmies à l’aide d’un électrocardiogramme (ECG), car elles sont des cas d’urgence aiguë qui peuvent entraîner un arrêt cardiocirculatoire et une mort subite», signale Tomoe Stampfli. Ensuite, des tests sous efforts sont réalisés pour déceler une mauvaise perfusion du sang par le cœur, un manque d’oxygène ou encore différencier les problèmes cardiaques des pulmonaires.

La compréhension puis la gestion de tous les paramètres physiologiques d’un sportif avec des mesures et des entraînements adaptés sont le ressort de la médecine sportive. Ainsi, une personne non sportive peut commencer la pratique d’un sport en bénéficiant d’un encadrement adéquat et prendre soin de sa santé. «Oui, les sédentaires voulant se mettre au sport peuvent venir en médecine sportive, même si nous sommes un des centres médicaux de Swiss Olympic. Si nous décelons des problèmes cardiaques, nous adressons les personnes au service de cardiologie», indique Boris Gojanovic.

E-ange ou e-démon?

Programme d’entraînement sur mesure, analyse des pulsations cardiaques et enregistrement d’ECG, les smart-technologies remplacent-elles les cardiologues et les médecins du sport? Pour les cardiologues, elles sont une aide bienvenue au diagnostic et au dépistage. «Nous recevons de plus en plus de patients avec des montres connectées, qui ont décelé eux-mêmes une fibrillation auriculaire en voyant leurs pulsations prendre l’ascenseur après l’effort», illustre Tomoe Stampfli. Mais la technicisation des smart-technologies soulève d’autres problèmes: «Aujourd’hui, grâce à ces outils, les sportifs enregistrent des données en plein effort, que la médecine n’avait jamais enregistrées jusqu’ici. Doit-on, par exemple, nous inquiéter des petites sautes d’humeur découlant de la fréquence cardiaque, rapportées par certains patients? Nous n’avons pas de référence scientifique pour le savoir et ne pouvons pas apporter de réponses», s’inquiète Boris Gojanovic. Une sorte de boîte de Pandore, selon Marco Bettoni, qui peut générer des angoisses malvenues.

Ce dernier y voit malgré tout des outils utiles pour enseigner aux patients à rester dans la zone «cardio». «De plus, ce sont des gadgets amusants. Ils peuvent aider à motiver les gens à pratiquer un sport.» Bien que ludiques, certaines applications poussent à aller toujours plus loin en offrant des récompenses à la performance. «Un entraînement ne consiste pas à faire mieux à chaque fois, mais à faire régulièrement un exercice! C’est au bout de plusieurs semaines qu’on peut commencer à aller plus loin, car on a progressé. Se battre soi-même tous les jours mène à un épuisement et à une inadaptation du système musculaire et cardiovasculaire», avertit Boris Gojanovic.

Ainsi, pour que leur cœur prolonge leur durée de vie, les sportifs et les non-sportifs, malades du cœur ou pas, ont tout à gagner à l'entraîner grâce à un encadrement adéquat, e-technologie ou pas.


Evénement gratuit

  • Conférence publique sur le cœur et le sport

Date de l’événement

  • 29 octobre 2019, 18h30 à l’Hôpital de La Tour

Conférenciers

  • Dresse Tomoe Stampfli et Dr Marco Bettoni, cardiologues à l’Hôpital de La Tour
  • Dr Boris Gojanovic, médecin du sport à l’Hôpital de La Tour

Programme et inscriptions ici