Chaque année à la même période, on peut invariablement observer ce même phénomène: à l’approche imminente de la reprise des courses populaires, les coureurs semblent pousser comme des champignons sur les trottoirs des villes ou les chemins de campagne.

Le problème, c’est que la Suisse atteint également précisément ces jours le pic de la grippe saisonnière. Et, contrairement à certaines idées reçues très répandues qui voudraient par exemple que la pratique d’une activité physique permette d’éliminer les toxines de l’organisme, sport et infections virales ne font pas toujours bon ménage. Pire, vouloir obstinément s’entraîner en cas de syndrome grippal pourrait conduire, dans certains cas, à une inflammation du myocarde, une affection cardiaque aux complications parfois fatales et trop souvent méconnue des sportifs amateurs.

Le Temps fait le point, en trois questions, sur les possibles effets délétères du sport lorsque la saison des virus bat son plein.

1. Quelles sont les contre-indications à la pratique d’un sport lors d’une infection virale?

Indépendamment de son âge, son niveau d’entraînement ou ses performances, il est une règle sur laquelle tous les médecins s’accordent: quel que soit le virus responsable, en cas de fièvre supérieure à 38,5 degrés, il est impératif de s’abstenir de pratiquer une activité physique faisant augmenter la fréquence cardiaque de manière trop élevée. Cela peut sans doute paraître évident, mais ce qu’il l’est moins pour bon nombre de sportifs, c’est que ce conseil s’applique également aux trois à cinq jours suivant la fin d’un syndrome grippal. Voire jusqu’à huit jours après, selon le Club des cardiologues du sport, une association indépendante française.

Pour rappel, le syndrome grippal est défini par une fièvre d’apparition brutale, associée à deux des quatre signes suivants: de la toux, un mal de gorge ou un écoulement nasal, de même que des céphalées et des courbatures.

Christian Marc Schmied, directeur du service ambulatoire de cardiologie et du service de cardiologie sportive de l’Hôpital Universitaire de Zürich va même un peu plus loin: «Idéalement, il faudrait aussi respecter une pause consécutivement à une infection virale sans fièvre, car le corps a besoin de ménagement pour se rétablir complètement.»

2. Concrètement, que risque-t-on à pratiquer une activité physique en étant malade?

Les complications liées à la pratique d’un sport lors d’un épisode infectieux sont certes rares, mais peuvent être dramatiques. Plusieurs études ont en effet démontré que la baisse des défenses immunitaires liée à la pratique d’une activité physique intense, permet à des micro-organismes relativement inoffensifs d’envahir un hôte, de se reproduire activement et de se propager aux voies aériennes supérieures, aux poumons et au coeur. «Et cela est valable pour les sportifs d’élites autant que pour les amateurs qui souhaiteraient entreprendre un jogging d’une trentaine de minutes», précise le docteur Schmied.

Si les virus s’attaquent au muscle cardiaque, une inflammation appelée myocardite peut s’ensuivre. Dans de nombreux cas, cette pathologie a une évolution bénigne et les patients guérissent d’eux-même. Mais elle peut également entraîner une mort subite chez certains athlètes ou se transformer en une affection chronique pouvant déboucher, après quelques années, sur une insuffisance cardiaque.

«La myocardite est aussi particulièrement difficile à diagnostiquer, car les symptômes, comme la fatigue physique, des vertiges ou des palpitations cardiaques, ne sont pas spécifiques et donc peu reconnaissables, d’où l’importance de prendre des mesures de précaution», ajoute Christian Marc Schmied. D’autant plus qu’une fois identifiée, cette pathologie nécessite l’arrêt du sport pendant plusieurs mois.

3. Le sport permet-il vraiment d’éliminer les toxines de l’organisme?

«Certaines personnes en sont persuadées, mais imaginer que la pratique d’une activité physique permettrait d’éliminer les toxines par la transpiration, n’a absolument aucun sens!» s’exclame Gérald Gremion, médecin chef du Swiss Olympic Medical Center et médecin adjoint au département de l’appareil locomoteur du CHUV. Voilà qui vient casser le mythe véhiculé par de nombreux sportifs, mais qui ne résiste pas à l’épreuve de la science.

Par ailleurs, s’il est vrai que l’effort à intensité faible ou modérée, comme la marche ou la randonnée, a bien un effet protecteur sur l’organisme et renforce le système immunitaire de ceux qui le pratiquent, c’est tout le contraire qui résulte d’un entraînement physique intense. Ce dernier est en effet à l’origine d’une importante et brutale perturbation de l’homéostasie, le processus de régulation par lequel l’organisme maintient son équilibre. Et ce stress a pour conséquence d’enclencher une fragilisation du système immunitaire transitoire pouvant favoriser l’apparition d’infections.

En cause? Durant ce type d’activité physique, l’organise sécrète notamment du cortisol et de l’adrénaline, deux hormones du stress, et produit également de manière augmentée de l’interleukine 6, une protéine pro-inflammatoire. «Cet effet peut se prolonger entre 24 à 72 heures selon les individus, détaille Gérald Gremion. Une période durant laquelle on est plus sensibles aux infections et l’on court plus de risques de se faire contaminer par un virus.»