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La Suisse hébergera le plus puissant supercalculateur dédié à l’intelligence artificielle

Le Centre suisse de calcul scientifique à Lugano se prépare à recevoir Alps. La machine promet des avancées significatives dans de nombreuses disciplines scientifiques dans des temps record

Le supercalculateur Selene de la société Nvidia, leader mondial actuel qui devrait être bientôt supplanté. — © Nvdidia
Le supercalculateur Selene de la société Nvidia, leader mondial actuel qui devrait être bientôt supplanté. — © Nvdidia

Un nouveau supercalculateur possédant les «performances d’intelligence artificielle (IA) les plus puissantes au monde». C’est ce que le Centre suisse de calcul scientifique (CSCS) à Lugano s’apprête à accueillir. «Alps» sera doté de capacités sept fois plus puissantes que le supercalculateur Selene de la société Nvidia, leader mondial actuel, indique Maria Grazia Giuffreda, codirectrice du CSCS, précisant qu’une partie du système a été installée en octobre et que la phase finale devrait se conclure début avril 2023.

«Alps aura une capacité en termes d’IA – plus précisément d’apprentissage automatique (machine learning) – que n’a pas notre supercalculateur actuel, Piz Daint, qui fut pendant plusieurs années le plus puissant d’Europe», souligne-t-elle.

Le système analysera et traitera de gigantesques quantités d’informations. Alps analysera par exemple le langage naturel (humain) par le biais du modèle GPT-3, le plus complexe en la matière avec ses 175 milliards de paramètres. Avec ses quelque 21 AI-exaflops – unité reflétant le nombre d’opérations par seconde – Alps sera capable d’entraîner le modèle en seulement deux jours, prédit Nvidia, qui a conçu cette machine en partenariat avec Hewlett Packard Enterprise et le CSCS. Les cerveaux de ce supercalculateur sont des microprocesseurs appelés Grace, spécifiquement développés pour ce genre d’applications.

Testée sur le climat

«Dans un premier temps, Alps a été pensé pour résoudre des problématiques scientifiques associées au climat qui seront notre référence pour tester la machine», poursuit l’experte. Les simulations climatiques représentent toutes les exigences d’une infrastructure moderne de supercalculateurs, explique-t-elle. «Une fois que nous aurons réussi à répondre à ces exigences très spécifiques, nous pourrons proposer cette infrastructure à d’autres domaines de recherche; sciences des matériaux, astrophysique, mécanique des fluides, sciences de la vie, dynamique moléculaire, chimie quantique, physique des particules…»

Alps devrait autoriser une résolution spatiale de 1 km pour ses prévisions climatiques, affirme Maria Grazia Giuffreda. «Plus la résolution est haute, plus la simulation est réaliste, ce qui permet aux décideurs de prendre les mesures les plus appropriées pour réagir aux effets du changement climatique.» Actuellement, l’échelle la plus petite est de 2 km. Augmenter la résolution à 1 km nécessite la production et l’élaboration de beaucoup plus de données, soutient-elle. Un exemple concret d’expérimentation? «Simuler les nuages convectifs qui se créent lors d’une averse de façon à comprendre le cycle énergétique dans l’atmosphère qui donne lieu à leur formation. Avec la résolution actuelle, on n’y arrive pas.»

Pile logicielle

Fondé en 1991, le CSCS (une unité de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich) n’est pas un centre de recherche, rappelle Maria Grazia Giuffreda; sa vocation est de mettre à disposition des ressources et des services. «Nos 120 experts collaborent avec les scientifiques grâce à leurs connaissances approfondies des logiciels du supercalculateur.»

Contrairement à ses prédécesseurs, Alps sera software-defined; les services qu’il offrira ne seront pas déterminés par son matériel, mais par ses logiciels. «C’est la façon dont la machine est pensée qui distingue Alps.» Une telle infrastructure permettra de fournir des services de calcul haute performance sans devoir mettre en place des systèmes spécifiques pour chaque usager. Il sera possible de créer différents environnements, coexistant sur le même système, selon les besoins des utilisateurs. «Par exemple, pour MétéoSuisse, nous avons exploité jusqu’à présent un ordinateur qui lui était dédié. A l’avenir, MétéoSuisse pourra opérer ses calculs sur une ou plusieurs partitions de cette nouvelle infrastructure.»

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La nouvelle pile logicielle d’Alps – l’ensemble des programmes qui seront utilisés par les scientifiques – se nomme Cray Shasta. «Cette pile logicielle est opérationnelle, mais il faudra encore deux ans pour que l’infrastructure informatique souhaitée soit prête», détaille Maria Grazia Giuffreda, ajoutant qu’avec ce système polyvalent, ouvert aux chercheurs suisses et du monde entier, «des avancées significatives dans de nombreux domaines seront rendues possibles avec des temps et des coûts de recherche toujours plus réduits».