Trump contre la science, premier round
Etats-Unis
Projets controversés de forage ou d’oléoducs, nomination d’un climatosceptique à la tête de l’Agence pour l’environnement: aux Etats-Unis, les voyants sont au rouge pour les scientifiques. Ils tirent la sonnette d’alarme

Le jour de son investiture, Donald Trump a fait disparaître toute allusion au «changement climatique» du site officiel de la Maison Blanche. Un acte symbolique, qui confirme son climatoscepticisme et peu d’intérêt pour la politique de l’environnement. De quoi faire craindre le pire aux amoureux de la nature et scientifiques, déjà inquiets par certaines de ses nominations. Mais la résistance s’organise.
Après le succès des marches des femmes, une marche «pour la science» sur Washington est en train de se mettre en place. Sur leur site, les organisateurs précisent que certains faits ne peuvent tout simplement pas être niés, comme le réchauffement de la planète lié à l’activité humaine: «un gouvernement américain qui ignore la science pour poursuivre des agendas idéologiques met le monde en danger».
Autre acte de résistance: des employés d’une dizaine d’agences gouvernementales, de l’Agence fédérale de protection de l’environnement (EPA) à la NASA, en passant par le Service des parcs nationaux, protestent sur Twitter en créant des profils avec de faux noms, qui empruntent le logo de leur agence. Comme @RogueNASA, qui se présente comme «l’équipe de résistance inofficielle de la NASA».
Inventé par les Chinois
Ces comptes rebelles s’érigent contre une forme de censure: des notes internes interdisent aux employés de relayer des informations nuisant au président, y compris de faire la moindre mention au «changement climatique», des mots désormais tabous sous l’administration Trump. Ce mouvement de résistance, raconte «The Independent», a pris de l’ampleur mardi, alors qu’une série de tweets liés au changement climatique avait soudainement été effacée du site du Parc national de Badlands. L’explication: l’agence a été encouragée de ne poster plus que des informations directement en lien avec le parc. Ce site a très rapidement vu naître son pendant non officiel, pour pouvoir s’exprimer librement: @BadHombreNPS. Si l’anonymat est privilégié, c’est parce que les employés qui choisissent de s’exprimer par ce biais craignent de perdre leur emploi.
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Pendant sa campagne, Donald Trump a été jusqu’à déclarer que le «concept de réchauffement climatique» avait été inventé par les Chinois pour «empêcher l’industrie américaine d’être compétitive». Président, il poursuit sur sa lancée, en détricotant l’héritage de Barack Obama. Donald Trump menace de dénoncer l’Accord de Paris conclu en décembre 2015, qui lie les signataires à des promesses de réduction des émissions de CO2, et compte combattre des plans d’action de protection de l’environnement mis en place par son prédécesseur, qui, selon lui, nuisent aux intérêts économiques du pays. C’est aussi en invoquant ces raisons qu’il a signé deux décrets mardi pour relancer des projets d’oléoducs contestés, bloqués sous Barack Obama: le Dakota Access Pipeline et Keystone XL.
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Ses intentions figurent sur le site officiel de la Maison Blanche: «L’administration Trump va relancer la révolution du pétrole et du gaz de schiste pour créer des emplois et apporter la prospérité à des millions d’Américains». Le vice-président Mike Pence est également connu pour minimiser le réchauffement climatique: il a été jusqu’à le qualifier de «mythe» quand il était membre du Congrès. Ardent défenseur de l’industrie du charbon, peu sensible à la problématique des émissions de gaz à effets de serre, il avait à l’époque notamment voté en faveur d’un affaiblissement de l’Agence fédérale de protection de l’environnement (EPA). Scott Pruitt, le nouveau directeur de l’EPA, choisi tout récemment par Donald Trump, est d’ailleurs un climatosceptique assumé, proche des frères Koch, des millionnaires conservateurs, grands patrons des industries fossiles.
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Parmi les autres nominations contestées en raison des risques de conflits d’intérêts flagrants, il y a celle de Rex Tillerson, nouveau Secrétaire d’Etat, jusqu’ici PDG du géant pétrolier Exxon Mobil. Ou celle Rick Perry, nommé ministre de l’Energie alors qu’il était membre de Energy Transfer Partners, l’entreprise qui se trouve derrière le projet du Dakota Access Pipeline.
«L’horloge de l’apocalypse avancée»
Pour les scientifiques, tous les voyants sont au rouge. Et c’est sous le mot #resist qu’ils se rassemblent sur les réseaux sociaux pour se défendre. Un mot inscrit en grandes lettres sur une bannière que deux militants de Greenpeace suspendus à une grue ont réussi à déployer mercredi à quelques encablures de la Maison Blanche.
Pour l’instant, Donald Trump n’a pas encore mis ses menaces à exécution. Mais le président des Etats-Unis a déjà eu une influence sur l'«horloge de l’apocalypse» du Bulletin des scientifiques atomiques, qui symbolise l’imminence d’un cataclysme planétaire. Elle a été avancée de 30 secondes, pour se fixer à 2 minutes et 30 secondes avant minuit, un nouveau record depuis 63 ans avec la course au nucléaire de la guerre froide. Les éminents scientifiques qui ont pris la décision l’ont justifiée en évoquant notamment les déclarations du président Donald Trump sur l’accroissement de l’arsenal militaire et le réchauffement climatique.