Le grand chelem des pôles

Exploration Frederik Paulsen, le président du groupe pharmaceutique Ferring, a visité les huit pôles répertoriés en Arctiqueet en Antarctique

Un ouvrage dresse le portrait de cet ami de la scienceet mécène de la recherche polaire

Un livre lève un coin du voile sur l’énigmatique Frederik Paulsen, président du groupe Ferring. Charlie Buffet, grande plume du récit de montagne, et Thierry Meyer, rédacteur en chef du quotidien 24 heures, ont approché le milliardaire venu du Nord et qui vit au bord du Léman. Ils relatent son itinéraire, de la Suède où il naît en 1950 aux Etats-Unis où il devient manager; de Paris où il développe l’entreprise héritée de son père à Saint-Prex où il a installé le siège de Ferring.

Les deux auteurs décrivent un homme atypique, étrange et complexe, un taiseux au flegme britannique, dont la passion est d’arpenter les régions polaires. Travailleur acharné élevé dans les valeurs protestantes, Frederik Paulsen a décidé un jour de se désengager de la direction opérationnelle de Ferring pour réaliser un rêve: mettre ses pas dans ceux des pionniers de l’Arctique et de l’Antarctique. Depuis quinze ans, il y consacre beaucoup de temps et d’énormes moyens, à la mesure de sa fortune que l’on dit colossale.

Ses Voyages au bout du froid racontent comment le milliardaire a visité les huit pôles répertoriés en Arctique et en Antarctique. Quatre au Sud et quatre au Nord. Les deux pôles géographiques éclipsent habituellement les pôles magnétiques, géomagnétiques et d’inaccessibilité. Le récit, vivant et didactique, détaille ce qui les distingue. Des cartes permettent de visualiser leur position respective.

La conquête de ces huit points mythiques de la Terre par différents pionniers de l’exploration polaire a jadis donné lieu à une intense compétition. A chaque fois, ce fut une aventure humaine incroyable. Le livre revient sur cette histoire héroïque qui fascine Frederik Paulsen; une histoire où se croisent la science, la géopolitique et le génie humain.

A travers ce livre qu’il a souhaité, l’industriel polit son image d’explorateur contemporain. Aucun homme avant lui n’avait réussi à se rendre sur les huit pôles – un exploit logistique. Le Suédois a aussi réussi le premier vol à travers le détroit de Béring en ULM, à l’instar de Richard Branson, qui fut le premier à traverser l’Atlantique en ballon gonflable. En 2007, il était à bord d’un sous-marin de poche russe qui découvrait les abysses ténébreux de l’océan glacial Arctique. Jamais, auparavant, l’homme n’avait plongé si profond (–4302 mètres) sous la banquise.

Tel Phileas Fogg, le héros de Jules Verne, le citoyen de Saint-Prex est un gentleman qui veut éprouver le monde par lui-même. Il a besoin de sentir le froid extrême et la force des tempêtes, de toucher la banquise, de s’enfoncer dans la nuit polaire ou de tâtonner dans le désert blanc de l’inland­sis. Il veut comprendre sur le terrain l’écosystème fragile des coins les plus hostiles de la Terre.

Frederik Paulsen a de l’admiration et de l’affection pour les chercheurs qui passent des mois dans les conditions éprouvantes des bases polaires, forant la glace pour y lire l’évolution du climat et y décrypter l’avenir de la planète. Le livre brosse les portraits de plusieurs de ces personnages originaux et attachants, devenus des compagnons de l’homme d’affaires.

Dans cet univers étrange, les chercheurs russes ont une place à part. Elevé dans l’aversion du communisme soviétique, l’industriel suédois ne fait pas de politique. Il a financé la recherche polaire russe à un moment où les moyens lui manquaient. Cet engagement lui vaut le titre de consul honoraire de la Russie à Lausanne. Le livre ne nous apprend rien sur son rapport au président russe si mal vu en Europe. Un message traverse en revanche le livre, en pointillé: la recherche polaire n’a d’avenir que dans la coopération; elle doit échapper à tout prix aux antagonismes politiques. Michel Rocard, ambassadeur des pôles, l’avait bien compris, lui qui fut à l’origine du traité réservant l’Antarctique à la recherche scientifique. Une solide amitié lie Rocard et Paulsen qui se sont rendus ensemble en Antarctique. L’ancien premier ministre français signe la préface du livre.

Les Editions Paulsen qui publient Voyages au bout du froid sont une maison créée par le milliardaire, avec la vocation de faire connaître le monde polaire. Aucune autre société du groupe Ferring ne porte le patronyme de son président. Un signe de la valeur supérieure que Frederik Paulsen attribue à la transmission du savoir. Il admirait son père, un médecin qui était «une encyclopédie vivante». De cette autorité tutélaire, il a hérité cette soif de connaissances et cette foi dans l’innovation, la technologie et la science qui sont le carburant de ses périples polaires, expliquent les deux auteurs.

Voyages au bout du froid. Les 8 pôles de Frederik Paulsen, Editions Paulsen.

Un message traversele livre, en pointillé:la recherche polairen’a d’avenir que dansla coopération