Publicité

Un robot-salamandre pour étudier le mouvement

Des scientifiques lausannois ont inventé le Pleurobot, une salamandre robotisée capable de marcher, ramper et nager. D'une précision de pointe, il permet d'étudier le rôle de la moelle épinière dans la locomotion

Le Pleurobot est capable de marcher, ramper et nager sous l'eau et permet d'étudier le rôle de la moelle épinière dans la locomotion
Le Pleurobot est capable de marcher, ramper et nager sous l'eau et permet d'étudier le rôle de la moelle épinière dans la locomotion

Des chercheurs de l’EPFL ont inventé un robot qui imite les mouvements d’une salamandre afin de comprendre l’évolution de la locomotion chez les vertébrés, dont les êtres humains. Leurs résultats, publiés ce jeudi 30 juin dans la revue «Journal of the Royal Society Interface», mettent en évidence le rôle de la moelle épinière.

Le robot appelé «Pleurobot» en référence à l’espèce de salamandre Pleurodèle de Waltl dont il est inspiré, est capable de nager sous l’eau, ramper et marcher. Il est composé d’os fabriqués grâce à une imprimante 3D, d’articulations motorisées et d’un circuit électrique en guise de système nerveux.

Rayons X

La morphologie de la salamandre ressemblant à celle des premières créatures terrestres fait d’elle un ancêtre de l’Homme. Comprendre le fonctionnement de sa locomotion ouvrira une nouvelle compréhension de celle des humains. «Ce n’est pas la première fois qu’un robot-salamandre est inventé mais il n’y en a jamais eu d’aussi précis», commente Auke Ijspeert, un de ses inventeurs au laboratoire de biorobotique de l’EPFL.

Dans un premier temps, une salamandre a été filmée aux rayons X sous différents angles, une technique appelée «cinéradiographie». Les chercheurs ont ainsi pu déterminer 64 points distincts sur les os de l’amphibien. Enfin, l’étude des mouvements 3D de ces points a aidé les scientifiques à concevoir un robot capable de reproduire de manière très précise les mouvements de l’animal.

Pour fonctionner Pleurobot possède 27 moteurs mimant les articulations et onze segments de colonne vertébrale imitant le rôle des vertèbres. En réalité, la salamandre possède davantage d’articulations et 40 vertèbres; le robot en est donc une simplification. Selon Auke Ijspeert, «il s’agissait de trouver un équilibre entre une structure osseuse simplifiée et la reproduction de la marche de la salamandre en trois dimensions». Le nombre et le placement des segments motorisés sur le robot ont été choisis afin de représenter le plus fidèlement possible les allures de l’amphibien.

Rôle de la moelle

«La moelle épinière c’est l’ordinateur de bord pour la locomotion qu’elle gère de manière relativement indépendante de la partie supérieure du cerveau», explique Auke Ijspeert. Le long de la moelle épinière sont distribués des circuits neuronaux indépendants du cerveau qui contrôlent les muscles et les membres. Grâce à eux, il est possible d’avoir des mouvements réflexes rapides car l’information reçue n’a alors pas besoin de s’acheminer jusqu’au cerveau pour produire un mouvement.

Lire aussi: Etudier les robots pour percer les secrets de la locomotion animale

Le robot reproduit les mouvements de la salamandre en utilisant les moteurs électriques mimant la colonne vertébrale et agissant directement sur les membres, tout comme le fait la moelle épinière. «Pleurobot est pour nous un modèle physique du corps de l’animal, ce qui nous permet de tester des hypothèses sur comment la moelle épinière produit des mouvements coordonnés et comment elle gère des retours sensoriels», explique le chercheur.

Les neurobiologistes savent que le type de locomotion dépend de la stimulation électrique que reçoit la moelle. Plus la stimulation est forte, plus les mouvements sont rapides et correspondent à la nage. Inversement, plus l’influx électrique est faible, plus le déplacement est lent et correspond à de la marche.

Avec ces connaissances, Pleurobot permet aux scientifiques de tester différentes hypothèses concernant l’organisation de la moelle épinière pour mieux comprendre son organisation. «Il permet également de faire des expériences que l’on ne peut pas faire sur l’animal pour des raisons éthiques», complète Auke Ijspeert. Comme des études de lésions volontaires sur certaines parties de la moelle ou encore pour tester de nouveaux modes de déplacements.

Quant aux applications d’une telle étude sur les êtres humains, Auke Ijspeert mentionne, «des collègues du centre de neuroprothèses de l’EPFL, travaillent sur des idées très similaires en utilisant de la stimulation électrique et pharmacologique pour réactiver les circuits neuronaux de la moelle épinière pour des patients paraplégiques». A quand les études sur les humanoïdes?