Une entreprise a recréé en laboratoire de la viande de mammouth, «pour lancer une conversation»
viande de synthèse
Présentée mardi à Amsterdam, une boulette de viande de synthèse basée sur l’ADN du pachyderme disparu est censée lancer la réflexion sur l’avenir de l’alimentation humaine
Manger la viande d’animaux du passé pour penser le futur de l’alimentation. La présentation, à cheval entre recherche scientifique et opération marketing, d’une boulette géante de viande de mammouth laineux - une espèce éteinte depuis des milliers d’années - cultivée en laboratoire, interroge. Le mets, exposé sous une cloche en verre, a été dévoilé ce mardi à Amsterdam par la société australienne de viande cultivée Vow, au musée des sciences NEMO.
La polpette pachydermique n’est toutefois pas encore prête à être mangée: la protéine vieille de milliers d’années doit encore passer des tests de sécurité avant qu’elle ne puisse être dévorée par les humains modernes. «Nous avons choisi la viande de mammouth laineux car c’est un symbole de perte, anéanti par les précédents changements climatiques», déclare à l’AFP Tim Noakesmith, cofondateur de Vow.
«Nous faisons face à un sort similaire si nous ne faisons pas les choses différemment, comme changer des pratiques telles que l’agriculture à grande échelle et notre façon de manger», ajoute-t-il.
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«Je ne vais pas en manger pour le moment»
La viande a été réalisée par des scientifiques qui ont d’abord identifié la séquence d’ADN de la myoglobine de mammouth, protéine qui donne sa saveur à la viande. Comblant certaines lacunes de la séquence de la myoglobine de mammouth en utilisant des gènes de l’éléphant d’Afrique, le parent vivant le plus proche du mammouth, elle a ensuite été insérée dans des cellules de mouton à l’aide d’une charge électrique.
«Je ne vais pas en manger pour le moment car nous n’avons pas vu cette protéine depuis 4000 ans», déclare Ernst Wolvetang, de l’Institut australien de bioingénierie de l’Université du Queensland, qui a collaboré avec Vow. «Mais après les tests de sécurité, je serais vraiment curieux de voir à quoi ça ressemble», ajoute-t-il.
«C’était ridiculement facile et rapide», indique Ernst Wolvetang au Guardian, assurant que le procédé n’avait pris que «quelques semaines». «Au départ, l’idée était de produire de la viande de dodo, mais les séquences d’ADN nécessaires n’existent pas», ajoute le chercheur, évoquant le volatile de l’île Maurice, dont l’extinction, causée par l’humain, remonte au XVIIe siècle.
«Notre objectif est de lancer une conversation»
Le journal britannique rapporte que l’idée de recréer de la viande d’animaux disparus vient en fait de l’agence de marketing Wunderman Thompson, en témoigne notamment le site internet très léché de l'opération. Le directeur créatif de l'agence, Bas Korsten s'explique: «Notre objectif est de lancer une conversation sur la manière dont nous mangeons et sur ce que pourraient être les alternatives futures en termes de goût et d’apparence. La viande cultivée est de la viande, mais pas telle que nous la connaissons.»
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Basée à Sydney, la start-up Vow, n’a pas pour but d’empêcher les gens de manger de la viande, mais à «leur donner quelque chose de meilleur». «Nous avons choisi de faire une boulette de viande de mammouth pour attirer l’attention sur le fait que l’avenir de l’alimentation peut être meilleur et plus durable», assène de son côté Tim Noakesmith.
Il faut en effet éloigner «quelques milliards de mangeurs de viande de la consommation de protéines d’origines animales», ajoute George Peppou, l’autre cofondateur de Vow, dans le Guardian. «Nous pensons que le meilleur moyen d’y parvenir est d’inventer la viande», estime-t-il. L’entreprise australienne, qui a levé plus de 50 millions de dollars, indique ainsi avoir déjà étudié la possibilité de recréer la chair de plus de 50 espèces, dont l’alpaga, le buffle, le crocodile, le kangourou, le paon et différents types de poissons.
La consommation mondiale de viande a presque doublé depuis le début des années 1960, selon les chiffres de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture des Nations Unies. L’élevage représente environ 14,5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre causées par l’homme, d’après la FAO. La consommation de viande devrait augmenter de plus de 70% d’ici 2050, et les scientifiques se tournent de plus en plus vers des alternatives telles que les viandes végétales et la viande synthétique.
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