L’ambiance est bon enfant, en ce dimanche écrasé de soleil, pour la finale de la compétition. Entre food trucks, tables de ping-pong et grappes d’étudiants en short déambulant dans une avenue fermée à la circulation, on se croirait presque à une fête de fin d’année universitaire. Mais un élément du décor nous ramène à la réalité: un tunnel blanc de plus d’un kilomètre de long et de 1,80 mètre de diamètre courant au pied du siège de SpaceX, l’entreprise astronautique d’Elon Musk.
Loin des vitesses rêvées
C’est dans ce tunnel sous vide que les trois équipes finalistes vont tester leur engin… et qu’aux alentours de 16h15, Swissloop, l’équipe de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), verra s’envoler ses rêves de victoire à cause d’une batterie à plat et d’un malencontreux effet domino. Résultat: la troisième place du podium, avec une décevante vitesse de pointe de 40 km/h, loin derrière les 324 km/h des Allemands de WARR Hyperloop et les 101 km/h des Américano-Canadiens de Paradigm. Ci-dessous, la vidéo tournée depuis l’avant du pod de l’équipe WARR, retwittée par Elon Musk en personne:
Hyperloop pod run by team WARR pic.twitter.com/ntaMsoxkZE
— Elon Musk (@elonmusk) 28 août 2017
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Globalement, après cette compétition dont le cahier des charges était simplement d’aller le plus vite possible sans crash, on reste loin des 400 km/h espérés par les organisateurs et la vingtaine d’équipes participantes.
L’aventure avait pourtant bien commencé pour les étudiants de l’EPFZ. Samedi, la bonne nouvelle était tombée, au terme d’une petite semaine d’essais: Swissloop, pour sa première participation, accédait à la finale grâce à un pod très prometteur. «Quand Elon Musk a lancé l’idée de l’Hyperloop en 2013, il imaginait des pods sur coussin d’air. Mais beaucoup d’équipes ont choisi, comme nous, d’emprunter la voie de la sustentation magnétique», explique Luca Di Tizio, directeur de Swissloop. Cette technique utilise des aimants pour faire léviter la capsule après avoir atteint une certaine vitesse.
Here are some pics from the testing phase...#Swissloop #BreakAPod #innovation #revolution#technology #engineering #precision pic.twitter.com/g9nvfTV80W
— Swissloop (@swissloop) 27 août 2017
Des trois équipes finalistes, Swissloop était la seule à avoir choisi cette technique. Les étudiants de Paradigm sont restés fidèles à la vision d’Elon Musk, en testant avec succès un pod sur coussin d’air. Les Allemands de l’Université technique de Munich ont quant à eux choisi les bonnes vieilles roues, «pour cette fois, car nous faisons aussi beaucoup de recherche sur la sustentation magnétique», remarque Manfred Schwarz, l’un des responsables de WARR. Les partisans de cette dernière considèrent que la technique sur coussin d’air est trop instable sur une longue distance et que les roues, en raison de la friction, ne pourront jamais atteindre les vitesses voulues par Elon Musk.
Les trois équipes avaient également choisi des modes de propulsion différents. Là encore, Swissloop a fait preuve d’originalité en optant pour une propulsion à air comprimé, digne d’une petite fusée, tandis que les autres avaient choisi une propulsion électrique: Paradigm en utilisant le propulseur fourni par les organisateurs – un engin électrique comparable à une voiture Tesla, qui a littéralement «poussé» leur pod dans le tunnel – et WARR en se reposant sur un moteur similaire, mais développé par ses soins et intégré à son pod.
30 min to tube loading. Final checks & charging the air system. Stay tuned as we make history with the first Air Bearing Hyperloop Pod Run! pic.twitter.com/I5DVC9GgIA
— Paradigm Engineering (@paradigm_hype) 27 août 2017
Batterie défectueuse
Le grand espoir de Swissloop était de pouvoir combiner le propulseur des organisateurs et le leur: le moteur électrique aurait poussé le pod dans le tunnel, lui faisant prendre de la vitesse, jusqu’à ce que le propulseur à air comprimé prenne le relais. «Avec cette combinaison, on aurait pu atteindre les 400 km/h sans problème», assure Luca Di Tizio. Les organisateurs ont douché ces espoirs en refusant que Swissloop utilise leur propulseur, pour des raisons de sécurité.
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Ce n’est pourtant pas la raison de la petite performance des Zurichois. Le diable se cache dans les détails, et cette fois il avait pris les traits… d’une batterie. «Nous avions calculé sa charge sur le temps nécessaire pour faire le vide dans le tunnel. Mais l’opération a été plus longue que prévu», observe le patron de Swissloop. Et l’arrivée surprise d’Elon Musk sur le site a fait prendre encore un peu plus de retard au lancement. Du coup, la batterie s’est déchargée et l’équipe a perdu la connexion avec le pod. «Il a fallu rouvrir le tunnel pour changer la batterie, mais après cela, faute de temps, le tunnel n’a pas pu être vidé à nouveau», poursuit Luca Di Tizio.
Conçu pour un environnement sous vide, le pod de Swissloop ne pouvait que sous-performer. Et son propulseur, bien qu’ayant fonctionné comme prévu, n’a pas pu faire de miracles. «Mais nous sommes quand même très fiers du travail accompli et nous reviendrons l’année prochaine», assure Luca Di Tizio. Les organisateurs ont confirmé qu’une troisième compétition serait organisée. Et Elon Musk en a donné le ton, avec son lyrisme habituel: «Il y a beaucoup de problèmes dans le monde et si nous n’avons rien pour nous inspirer, à quoi bon vivre?»
Visionnez ci-dessous notre vidéo sur les gènes suisses de l’Hyperloop