Le virus Ebola a beau ne plus beaucoup faire parler de lui ces jours-ci, les recherches sur les candidats vaccins, elles, se poursuivent. L’un d’entre eux, le VSV-EBOV, vient justement de démontrer son excellente efficacité auprès de plus de 4000 personnes lors d’essais cliniques en Guinée, l’un des trois pays les plus touchés par la maladie avec le Liberia et la Sierra Leone. Développé par l’Agence de la santé publique du Canada, il s’agit de l’un des deux vaccins les plus avancés avec le cAd3-EBOZ du britannique GlaxoSmithKline.

Rappelons les événements. Alors que l’épidémie faisait rage en Afrique de l’Ouest, ces deux vaccins étaient testés depuis la fin de 2014 dans plusieurs endroits dans le monde, notamment aux Hôpitaux universitaires genevois (HUG) pour le VSV-EBOV. Il s’agissait d’essais cliniques de phases I/II destinés à évaluer la sûreté et l’efficacité du produit chez des volontaires sains. Le VSV-EBOV s’était alors révélé satisfaisant, déclenchant la production d’anticorps dirigés contre le virus, et ce, malgré quelques effets secondaires, parmi lesquels des douleurs articulaires.

Des essais cliniques à plus grande échelle, dits de phase III, avaient ensuite démarré en Afrique de l’Ouest sous la houlette de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les résultats sont publiés vendredi 31 juillet dans la revue médicale «The Lancet». «Sur les 4000 personnes à risque ayant accepté de recevoir le VSV-EBOV, le vaccin s’est montré efficace dans 75 à 100% des cas», se réjouit Marie-Paule Kieny, coordinatrice des essais cliniques pour l’OMS.

Vaccination en ceinture

Comprendre ce résultat implique de connaître le protocole expérimental de ces essais. La première étape consiste à diagnostiquer une personne infectée par le virus Ebola, généralement lorsqu’elle se présente dans un centre de soins. Les personnels médicaux s’attellent alors à identifier les personnes ayant été en contact avec ce patient au cours des trois semaines précédentes (ce qui correspond au temps d’incubation de la maladie). Ils établissent ainsi la liste des contacts directs, mais également des contacts de ces contacts (deux degrés de séparation) et proposent à tous d’être vaccinés avec le VSV-EBOV soit immédiatement, soit après trois semaines.

Pas de placebo ici, «il s’agit d’une vaccination dite en ceinture, une stratégie qui a permis d’éradiquer la variole», précise Claire-Anne Siegrist, qui a coordonné les essais cliniques aux HUG. Le but de cet essai clinique «ouvert» est de «comparer les effets d’une vaccination immédiate à ceux d’une vaccination retardée», ajoute Marie-Paule Kieny. Une fois les volontaires vaccinés (ils représentent la majorité des personnes contactées, assure la coordinatrice), les scientifiques attendent et notent le nombre de nouveaux cas d’Ebola qui se déclarent.

«De tels cas d’Ebola se manifestent durant les dix premiers jours qui suivent la vaccination, détaille Marie-Paule Kieny. Mais après cette période, on n’observe plus aucun cas, que le vaccin ait été injecté immédiatement ou après trois semaines. Ceci correspond à un taux d’efficacité calculé de 75 à 100%, avec une forte valeur significative.»

Moins d’effets secondaires

Comme cela a été le cas dans les essais de phases I/II, «il n’y a pas eu d’importants effets secondaires graves liés à la vaccination», ajoute la coordinatrice. Les volontaires genevois avaient témoigné, pour certains, de douleurs articulaires. «Il y a certes eu quelques fièvres, mais dans des proportions modestes, et rapidement soignées par du paracétamol. C’est extrêmement encourageant pour la suite.»

La suite, justement, consistera à poursuivre ces tests, mais en vaccinant tous les contacts immédiatement après la définition des ceintures. Il faudra également tester le VSV-EBOV chez les enfants et les adolescents, seuls des adultes ayant participé à ces essais.

Rapidité record

Pendant ce temps, le laboratoire américain Merck, qui a acquis les droits du VSV-EBOV, devrait produire le vaccin à grande échelle, et les autorités sanitaires des pays concernés vont vraisemblablement examiner l’opportunité de sa mise sur le marché. Ce n’est qu’ensuite que «les pays à risque vont sans doute faire vacciner leurs personnels médicaux et constituer des stocks en cas de nouvelles flambées épidémiques», estime Marie-Paule Kieny.

Pour le moment, difficile de se faire une idée du prix d’une dose de VSV-EBOV. Mais l’Alliance GAVI, un partenariat public-privé qui œuvre à la diffusion massive des vaccins, devrait en acheter une grande quantité pour la redistribuer, croit savoir la coordinatrice. Il reste que ces résultats, bien qu’encourageants, doivent toujours être pris avec prudence. Le VSV-EBOV n’a pas été testé contre un placebo (ce qui est de toute façon difficile d’un point de vue éthique) et tous les profils de malades ne l’ont pas essayé.

«Ces résultats exceptionnels sont l’aboutissement de l’engagement total et sans précédent de tous ceux qui ont tout lâché pour répondre à la menace mortelle du virus Ebola», a écrit Claire-Anne Siegrist dans un courrier électronique adressé au «Temps». «C’est la première fois dans l’histoire des vaccins qu’il s’écoule seulement 9 mois entre la première injection chez l’humain et les premiers signes de l’efficacité du vaccin… et même si ces résultats devaient être affinés et complétés par les analyses définitives, ils sont clairs: le vaccin VSV-EBOV, testé aux Hôpitaux Universitaires de Genève […], est très efficace en Afrique de l’Ouest où ses effets secondaires sont moins importants. Il reste de nombreuses questions ouvertes, comme par exemple la durée de l’efficacité vaccinale, la possibilité de l’utiliser chez des enfants ou des malades, etc. Mais disposer d’un vaccin permettant de limiter une épidémie d’Ebola immédiatement dès son apparition, ici ou là, est un bienfait pour le monde entier.»