Des valves poussant avec l’enfant

Il n’est pas rare qu’un enfant naisse avec une défaillance cardiaque: cela se produit dans 4 à 12 cas sur 1000, estiment les spécialistes. Cette malformation exige parfois que le médecin remplace l’une des valves cardiaques par une prothèse artificielle. Le patient doit alors revenir tous les 3 ou 4 ans sur la table chirurgicale, se faire ouvrir le thorax et poser une nouvelle valve adaptée à sa croissance. Ce calvaire, risqué médicalement et traumatisant pour l’enfant, touche-t-il à sa fin? Le Centre suisse de médecine régénérative à Zurich travaille sur une nouvelle valve produite à partir des cellules du patient… et capable de grandir avec celui-ci. «Nous n’aurions plus besoin de l’opérer au cours de sa croissance et nous réduirions les risques de rejet», se réjouit Simon Hoerstrup, directeur du centre.

«Je ne veux pas donner de faux espoir aux parents. Mais les premiers essais cliniques devraient avoir lieu dans deux ou trois ans», estime-t-il. Des tests concluants ont déjà été menés sur des agneaux. L’équipe de chercheurs a prélevé des cellules fœtales notamment, puis les a cultivées en laboratoire. «Nous les avons laissées se multiplier puis «semées» sur une structure biodégradable en forme de valve», explique-t-il.

Les obstacles sont encore nombreux: «Il y a moins de variabilité chez ces animaux que chez les enfants. Les cellules de chaque patient peuvent réagir différemment», prévient le professeur. L’Union européenne a investi 9,9 millions de francs pour le développement de cette «valve vivante». Simon Hoer­strup peut miser aussi sur le nouveau Wyss Translational Center, dont il est le coprésident, pour faciliter le transfert du monde de la recherche à celui de la clinique.

Sans acte chirurgical

Une société européenne, Xeltis, veut développer une approche plus radicale: elle souhaiterait que la nouvelle valve se forme au sein même du corps du patient, et non en laboratoire. Xeltis mise sur l’élaboration d’une matrice synthétique qui «attrape» les cellules, puis se résorbe d’elle-même. Si elle n’a pas encore relevé ce défi, elle a entamé les premiers essais cliniques pour la croissance spontanée de vaisseaux sanguins.

En attendant, d’autres innovations viennent améliorer les valves plus traditionnelles. Le service de chirurgie cardio-vasculaire des HUG a adopté en 2014 de nouvelles valves aortiques qui n’ont pas besoin d’être cousues. «Le chirurgien gagne une quinzaine de minutes lors de l’opération à cœur ouvert. Ce qui permet de réduire les risques», explique Afksendiyos Kalangos, médecin-chef de service.

Le remplacement d’une valve obstruée est aussi possible sans acte chirurgical. En utilisant un cathéter, un tube souple, les médecins sont capables de remonter l’artère puis venir écraser les tissus de la valve calcifiée. Ils déposent ensuite une nouvelle valve. La technique est recommandée pour les personnes âgées, mais demeure inadaptée aux enfants, dont le diamètre de l’aorte est trop petit. C’est pourtant cette technique que compte reprendre l’équipe du professeur Simon Hoer­strup pour poser ses valves «vivantes».