L’objectif que se sont fixé les 195 pays participant à la conférence climatique de Paris COP21 est de contenir le réchauffement de la planète à +2°C d’ici à la fin du siècle, par rapport à l’ère préindustrielle. Mais une telle cible est hors sujet, pour le climatologue Reto Knutti de l’EPFZ, qui vient de publier une tribune dans la revue «Nature Geoscience».

Pourquoi critiquez-vous la limite des 2°C de réchauffement?

Reto Knutti: Telle qu’elle est présentée, cette valeur de 2°C serait une ligne rouge à ne pas dépasser, avec des conséquences gravissimes au-delà, et acceptables en deçà. Et c’est vrai qu’il y a des éléments scientifiques qui plaident en faveur de cette limite: des études montrent notamment qu’avec plus de 2°C de réchauffement, la calotte de glace du Groenland pourrait fondre. Cependant, cette valeur est disputée. Car par certains aspects, le réchauffement climatique actuel est déjà catastrophique, tandis que pour d’autres aspects, les effets les plus graves se font encore attendre. Fixer un réchauffement à 2°C est en partie arbitraire.

Mais alors pourquoi avoir retenu cette valeur?

R.T.: Les Etats qui se sont fixé cet objectif lors de la conférence climatique de Copenhague en 2009 ne se sont pas basés que sur les connaissances scientifiques, ils ont aussi pris en compte des considérations plus politiques. Car fixer un objectif climatique revient à déterminer quelles sont les conséquences du réchauffement qui sont acceptables pour la société, en fonction des efforts à entreprendre pour les éviter, qui ont aussi un coût. C’est un peu comme quand on choisit quelle limite de vitesse imposer sur les routes, en mettant en balance le risque d’accident et la nécessité de garantir l’efficacité des transports. Sur ce type de sujets, ce n’est pas aux scientifiques mais à la société dans son ensemble de choisir la bonne limite.

Etes-vous en faveur d’une autre valeur-cible que celles des 2°C?

R.T.: A la COP21, les Etats insulaires très menacés par le réchauffement militent pour une limitation de la hausse des températures à +1.5°C d’ici la fin du siècle par rapport à l’ère préindustrielle, car ils redoutent les effets d’un réchauffement à 2°C. Il y a des arguments en faveur de cette position, mais à mon sens ce débat n’est pas pertinent. Il est trop tard pour se questionner sur des objectifs à long terme, il faut agir maintenant, en réduisant nos émissions de CO2 dans l’atmosphère. A trop se fixer sur une valeur à long terme, le risque est de perdre de vue l’enjeu crucial des négociations qui est de «décarboner» nos économies au plus vite. Cela revient à être dans une maison en feu et se réunir pour décider quel est le meilleur chemin à emprunter pour s’échapper, alors qu’il faut fuir de manière urgente!

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