Chaque jour du mardi au vendredi, «Le Temps» publie un extrait des archives du «Journal de Genève» qui entre en résonance avec un fait d’actualité contemporain.
L’Algérie a voté. Elle a même voté massivement. Et elle a voté dans le calme. Ainsi, si l’on en croit les chiffres diffusés hier en milieu de soirée par les services gouvernementaux, la participation au scrutin dépasserait 65%, un taux très nettement supérieur à celui enregistré lors du premier et unique tour des élections législatives de décembre 1991 (59%), annulées en prévision de la victoire que les islamistes du Front islamique du Salut (FIS) s’apprêtaient à remporter. D’après les premières estimations, cette forte participation semble avoir favorisé le maintien au pouvoir de l’actuel président Liamine Zéroual. Et on verra dans les mois qui viennent dans quelle mesure le calme relatif du vote est annonciateur d’une accalmie politique.
Mais l’attention portée presque exclusivement à l’habillage du scrutin, au détriment de ses enjeux, illustre à la fois la modestie des espoirs glissés dans l’urne, la profondeur du mal dont souffre l’Algérie et l’ambiguïté de tout l’exercice. Une seule de ces raisons suffirait apparemment à reléguer cet épisode dans les rangs serrés des mascarades électorales. A tort.
[…] C’est tout de même un scrutin. Et s’il est tout à fait légitime d’en critiquer les modalités et les résultats, il ne faudrait pas verser dans une sorte d’intégrisme démocratique qui rejetterait dans un enfer parfaitement dénué de bonnes intentions toutes les manifestations démocratiques imparfaites. Le rejet serait alors massif.
Car en imposant ce scrutin dont il pensait certes pouvoir tirer le principal bénéfice, le président Zéroual a tenté d’utiliser une des principales vertus de la démocratie qui consiste à remplacer une confrontation anarchique et violente par un débat inscrit dans un cadre institutionnel. Ce premier pas était une condition nécessaire à la pacification du pays. Elle n’est de loin pas suffisante.
En remportant semble-t-il cette élection, le président Zéroual devient dépositaire, sinon d’une légitimité démocratique entière, du moins d’une sorte de message subliminal du peuple algérien lui enjoignant de pacifier le pays. Et à l’égard de l’opinion publique algérienne et étrangère, ce message n’a rien de dérisoire.