1969: l’été où l’homme marchait sur la Lune et les Beatles chantaient
étés d’avant (5)
Pendant la pause estivale, «Le Temps» réveille les grands événements culturels, politiques, économiques et sportifs qui ont marqué les étés d’avant

Les avions qui percutent le World Trade Center, la panique des gens pendant que les buildings s’écroulent dans des nuages de poussière: il y a des événements qui marquent une vie et s’incrustent dans les biographies. Demandez à n’importe qui où il se trouvait le 11 septembre 2001 à 9 heures du matin tandis que New York ouvrait le bal tragique du XXIe siècle.
On peut ainsi vous dire que le 11 juillet 1969, 4 milliards de Terriens regardaient la même émission de télévision. Sur l’écran noir et blanc, un Américain va décrocher la Lune. L’équipage d’Apollo 11 a quitté Cap Canaveral le 16 juillet à bord de la fusée Saturn V. A bord, trois astronautes dont la mission est de fouler le sol sélène et d’y planter la bannière étoilée. Histoire de réussir l’exploit que les Soviétiques ne sont jamais parvenus à accomplir: envoyer des hommes rebondir sur notre satellite naturel. Depuis le milieu des années 1960, la Guerre froide se déroule aussi à l’échelle spatiale. C’est au commandant Neil Armstrong que revient l’honneur d’être le premier homme à mettre le pied là-haut. Sur l’image brouillée des postes de l’époque, on le voit descendre dans son scaphandre encombrant les échelons du module Eagle. Arrivé au niveau du dernier barreau, il hésite une seconde. D’un bond, il pose ses bottes dans la poussière lunaire comme on se jette à l’eau. Armstrong a préparé une petite phrase au cas où il arriverait entier de son trip cosmique. Il récite d’une voix de robot: «C’est un petit pas pour l’homme, un pas de géant pour l’humanité.» Un vrai slogan, qui fera un carton.
En mer, par contre, c’est l’avis de gros temps. Thor Heyerdahl prouvait en 1947 qu’une embarcation en balsa pouvait braver tous les périls du Pacifique et que les Amérindiens du Sud auraient ainsi peuplé les îles polynésiennes. L’aventure du Kon Tiki appartenait à ces grandes épopées humaines d’un autre siècle mais qui continuent à passionner les foules. En 1969, l’explorateur norvégien récidive avec un bateau inspiré de l’Egypte pharaonique construit en fibres de papyrus tressées. Son idée? Expérimenter la possibilité que les adorateurs d’Amon aient débarqué en Amérique et ainsi influencé la culture précolombienne. Baptisée Râ, du nom du dieu solaire égyptien, l’embarcation doit filer à travers l’Atlantique en partant des côtes marocaines. A quelques centaines de miles de la Barbade, elle prend l’eau. Un yacht sauve l’équipage tandis que le Râ coule à pic. Une année plus tard, le Râ II arrivera à bon port. Pour autant, la théorie des Egyptiens conquistadors reste toujours hautement sujette à caution.
Le Summer of Love avait réchauffé l’été 1967. Deux ans plus tard, alors que le Flower Power se fane doucement, un jeune producteur se met en tête d’organiser un festival de musique folk dans son patelin de Bethel, à quelques kilomètres de Woodstock dans l’Etat de New York. Michael Lang comptait accueillir 50 000 spectateurs. Ils sont 500 000 à s’installer dans les champs d’un fermier du coin en provoquant des embouteillages monstres. Du 15 au 18 août, Woodstock revendique l’amour libre en écoutant la plus affolante des affiches de show rock. Janis Joplin, Joe Cocker, Jimi Hendrix, The Who, Sly and the Family Stone chantent malgré la pluie qui transforme les hippies en statues de boue. Certains font leur star. Led Zeppelin et les Doors refusent de figurer dans un festival de seconde zone et les Rolling Stones sont occupés ailleurs. La rumeur veut que les Beatles auraient dû être de la fête. On impute à Yoko Ono la défection du groupe anglais, mais Yoko a toujours eu bon dos. Il se trouve que les Fab Four sont en studio. Ils enregistrent les morceaux de leur album Abbey Road, qui restera comme leur plus gros succès commercial. Il faut une image pour la cover. Au matin du 8 août, le photographe Iain MacMillan emmène tout le monde dehors et shoote pendant 10 minutes les Beatles qui traversent la rue. La pochette motivera les parodies. Elle suscitera également de nombreuses interprétations. Et prouvera qu’en 1969, la Beatlemania reste encore vive. Vendue aux enchères en 1986, la VW Coccinelle de la photo appartient désormais à la collection d’un musée allemand.