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Amours et désamours entre Ossies et Wessies

Dans le couple mixte classique, l'homme est de l'Ouest et la femme de l'Est. Mais les amants sont fatigués.

Emblématiques de leurs relations en général, les relations amoureuses entre Allemands de l'Ouest et Allemands de l'Est n'en sont plus au stade du coup de foudre. La Berlinoise Simone Schmollack s'est penchée dessus dans un livre récemment paru.*

Le sujet intéresse peu les analystes politiques, les économistes, les statisticiens, voire les sexologues: que se passe-t-il quand Ossies et Wessies apprennent à s'aimer? Le résultat de son travail est captivant. L'approche classique aurait cadré la question sur la société en général, mais il lui a semblé plus intéressant d'opérer un gros plan sur les couples qui se sont formés entre Allemands de l'Ouest et de l'Est dans les quinze années qui ont suivi la chute du Mur. Que ressort-il de ces rencontres et des liens qui s'y sont forgés? Dans quelle mesure ces amours et désamours parlent-ils des relations Est-Ouest? Telles sont les questions que l'auteur s'est posées.

Prenant le cas de Heinz T. Simone Schmollack l'examine avec un œil clinique. L'homme est âgé d'un peu plus de 60 ans. Il vote pour la gauche de la gauche, Die Linke/PDS. Il porte encore beau avec sa chevelure grisonnante et il a une préférence marquée pour les chaussures à boucles. Il en a plusieurs paires. Heinz n'a pas le sentiment d'être tout à fait à sa place à Düsseldorf. C'est un Ossie. Il vit avec Margitta O., une Wessie, qu'il a connue à Rostock, la grande ville portuaire sur la Baltique à l'époque de la DDR. Ils ont le même âge. Elle vient de l'Ouest et a des opinions proches de la CDU. Ce qui entraîne souvent entre eux des discussions orageuses. Elle secoue la tête, dédaigneuse, quand Heinz met de côté le reste de nouilles après le repas. Il les réchauffera plus tard avec du ketchup et se les resservira lors du prochain repas. Ils savent qu'ils sont très différents, mais ils disent qu'ils s'aiment. Ce qui lui avait plu en lui, c'était son côté lutteur. Ce qui lui avait plu en elle, c'était son côté inaccessible. Quinze ans après la réunification, le charme n'est plus aussi évident.

De l'enquête de Simone Schmollack, il ressort que des couples comme celui de Heinz et Margitta sont de moins en moins nombreux et sont en passe de devenir exotiques. Elle remarque aussi que la variante dominante parmi ces couples est celle classique d'un homme originaire de l'Ouest vivant avec une femme d'Allemagne de l'Est. Parfois, tout se passe bien. Parfois, les préjugés affleurent et les partenaires peinent à sauvegarder leur relation. Parfois, la perception que chacun a de l'autre est totalement antinomique. Pour traduire cette polyphonie, l'auteur donne la parole aux deux protagonistes dans des textes séparés. La contemplation de ces deux visions parallèles est édifiante pour mesurer le fossé qui reste béant entre Allemands de l'Est et de l'Ouest.

Prenez Sabine. Elle dit pourquoi son Albert lui a paru si intime et si proche en novembre 1989. Et pourquoi, plus tard, elle l'a perçu comme un «porc arrogant» de l'Ouest. De son côté, Albert dit à profusion pourquoi il n'a plus suivi ni soutenu les éternels débats sur l'Est dont elle lui rebattait les oreilles.

Sabine et Albert se sont séparés depuis longtemps. Pour les besoins du livre, Simone Schmollack les a réunis comme pour attester que, par-delà les frontières, en amour, les hommes et les femmes jouent d'abord à cache-cache avec leurs ténèbres intimes.

*«Deutsch-deutsche Beziehungen» (Schwarzkopf & Schwarzkopf Verlag, 250 pages, 9,90 €).