Si la chair du lapin absorbe facilement les corps gras, elle se dessèche sous l'effet d'un feu trop vif. D'où l'intérêt d'une cuisson tranquille relevée par la moutarde. Madame Saint-Ange en recommandait le rôtissage, qu'un déglaçage à la crème finissait d'arrondir. Nous nous sommes inspiré de cette procédure pour faire cuire, au tournebroche, un lapereau printanier enduit de moutarde en grains, chaleur réglée sur 120 degrés. Le plus difficile de cet apprêt était de faire tenir la victime sur la broche, mais quelques tours de ficelle de cuisine ont fait l'affaire. Ne restait plus qu'à patienter moins de deux heures, le temps de mettre au frais un petit blanc pas trop sec.
Bon appétit. Tiens, voilà du lapin!
Bon appétit.
Le lapin est à peine plus à la mode des mangeurs que le vison à celle des fourreurs. Or le vison, black ou pas, sauvage ou d'élevage, ne figure pas à l'inventaire de nos tablettes gourmandes. Les longues oreilles de notre infatigable rongeur nous rappellent celles des bonnets d'âne qui chapeautaient les cancres d'autrefois, lesquels étaient condamnés à se tenir, des heures durant, le nez dans un coin de la classe, et les recettes qui en font façon tiennent plus de place dans les archives de cuisine des grands-mères que dans les protocoles savants des tables prestigieuses. Reconnaissons toutefois que ces mêmes grandes tables ne cuisinent, en bonne saison, que le lièvre, de fusil quand tout va bien, à la royale de surcroît quand tout va encore mieux, lorsqu'une cuisson patiente l'a fait fondre au foie gras, produisant ainsi une sorte de sérénade somptueuse que l'on arrose, la tirelire dévastée, d'un Saint-Emilion de derrière les meilleurs fagots. Dans l'attente de cette merveille automnale, révisons nos classiques.
Le lapin de garenne a presque disparu de nos broussailles il y a une cinquantaine d'années, quand la myxomatose s'est transmise dans cette population à la vitesse d'un feu de forêt attisé par le mistral. Il paraît que cette épidémie aurait été déclenchée par la colère d'un vétérinaire qui, las de réparer les dégâts que ces bestioles commettaient dans son potager, aurait inoculé la maladie à quelques-unes d'entre elles! Nous reste donc le lapin de chou, que les progrès de la cuniculture ont permis de rendre de bonne qualité tout au long de l'année. A moins d'avoir comme voisine une fermière qui nourrit les habitants de son clapier d'herbes fraîches, on se fournira chez un volailler qui propose des sujets dits labélisés.