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Des architectes à l’empreinte maçonnique

Un passionnant colloque sur le sujet en 1988, à Florence

Colloque à Florence, en 1988

Des architectes à l’empreinte maçonnique

«La grande affaire de la maçonnerie, c’est de construire: au sens propre comme au figuré. L’archi­tecture, proprement dite ou allégorique, en est donc le maître mot. On sait que la maçonnerie moderne, spéculative, a largement été influencée par la franc-maçonnerie ancienne, celle des constructeurs de cathédrales. Un récent colloque tenu à Florence a tenté, lui, de renverser le problème: l’idéologie maçonnique moderne n’a-t-elle pas, en retour, inspiré une architecture spécifique?

Telle était l’hypothèse soumise à une trentaine de conférenciers venus d’Espagne, d’Amérique du Sud, de France, d’Allemagne, de Suisse et, bien sûr, des quatre coins d’Italie, réunis du 15 au 17 avril au Palais des congrès de Florence à l’enseigne de «Maçonnerie et architecture», un colloque organisé par le Grand Orient d’Italie.

Il ne s’agissait pas «d’établir combien d’architectes étaient affiliés aux loges, ni combien de traces matérielles la foi maçonnique a laissées dans leurs œuvres, avait averti Delfo Del Bino, Premier Grand Surveillant du Grand Orient d’Italie, mais plutôt de vérifier comment la conception maçonnique de l’homme a communiqué à l’architecture ses préoccupations symboliques au-delà de sa fonction pratique».

Gérard le Coat de l’Université de Lausanne a confirmé l’hypothèse en montrant que le Stijl [mouvement artistique néerlandais qui a profondément influencé l’architecture du XXe siècle, en particulier le Bauhaus] participait de la pensée maçonnique, qu’il y a un «lien spéculatif entre l’avant-garde hollandaise et l’ésotérisme maçonnique». Un point de vue qui, pour convaincant qu’il soit, n’infirme ni n’exclut d’autres approches «profanes».

Tout autre, en revanche, est la vérification faite par Marcello Fagiolo, coordinateur scientifique du congrès, sur le cas de Washington. Thomas Jefferson, maçon [alors secrétaire d’Etat et ensuite président des Etats-Unis, de 1801 à 1809], contribua à l’élaboration du plan urbanistique de la capitale américaine, inaugurée en 1791 par George Washington, maçon lui-même, qui arbora pour l’occasion le tablier de sa loge. Belle vérification également de Vincenzo Vaccaro, qui a décrypté la symbolique maçonnique de la chapelle San Severo, à Naples, en en offrant une lecture conduite sur celle du temple de Salomon.

«Que penser du rôle du cousin de Louis XVI, Grand Maître du Grand Orient, dans le Palais-Royal et surtout dans le parc Monceau?» s’est demandé Monique Mosser, ingénieur au CNRS et membre de l’Institut d’études et de recherches maçonniques. Et de souligner qu’au milieu du XVIIIe siècle, «par un étrange retour, architecture et maçonnerie renouent des liens opératifs [période médiévale de la franc-maçonnerie], spéculatifs et symboliques très complexes à déchiffrer». Loredana Olivato a tenté de savoir, concernant la Vénétiedu XVIIIe siècle, à quel point la diffusion des idées maçonniques a contribué au revival palladien. Exalté par la franc-maçonnerie, Palladio est en effet inévitable dans le domaine de l’architecture.

Mis à part les cas où l’empreinte maçonnique est manifeste, comme le temple de Hygia, à Palerme, le débat de Florence a montré, semble-t-il, que la lecture maçonnique de certaines œuvres confirme la foi maçonnique, mais souvent n’ajoute rien, pour le laïc, à leur signification ni à leur universalité. »

« La capitale américaine fut inaugurée en 1791 par George Washington, maçon lui-même, qui arbora pour l’occasion le tablier de sa loge »

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