Comment arrêter de s'inquiéter pour tout et rien
Psychologie
S’inquiéter: d’où vient ce sentiment parasitant? Pourquoi s’incruste-t-il si facilement dans nos vies? Quelques pistes pour retrouver la tranquillité

«J’ai pour philosophie que s’inquiéter, c’est souffrir deux fois.» Cette phrase, prononcée par le personnage Norbert Dragonneau dans le film Les Animaux fantastiques, n’est pas passée inaperçue chez les internautes férus de citations. Car on peut se demander si l’actualité de notre monde tourmenté a tendance à réveiller des sentiments d’inquiétude, plus que de raison. On se fait du souci à cause des attentats qui pourraient frapper notre lieu de vacances, on se ronge les sangs car notre fille prend l’avion jusqu’en Australie, on se fait un sang d’encre parce qu’on n’a pas de réponse au SMS envoyé il y a une heure…
Pour éviter que notre esprit parte en vrille, bon nombre d’entre nous s’accrochent à une petite phrase philosophique, comme la fameuse «Pas de nouvelles, bonnes nouvelles». Ou encore cette définition: «Inquiétude, pensée égoïste qui consiste à espérer ne pas avoir mal.» Quant au moine bouddhiste Matthieu Ricard, il rappelle sur son blog cette pensée du dalaï-lama: «Face à une situation difficile, si quelque chose peut être entrepris, il n’y a pas de raison de s’inquiéter. Si rien ne peut l’être, il n’est pas utile de s’inquiéter.»
La vie, c’est de l’imprévu par essence
Pourquoi persister à se pourrir la vie pour des événements qui n’arriveront certainement jamais? «Au fur et à mesure que l’homme réfléchit à son futur, il est confronté à l’inquiétude, explique le psychiatre et psychothérapeute Nicolas Belleux. Dès que nous faisons l’expérience de l’avoir, nous faisons l’expérience de la perte. Cela commence dès l’enfance, lorsqu’on nous apprend à prêter un jouet.»
Le problème est que notre cerveau aime que tout soit sous contrôle, alors que la vie, c’est de l’imprévu par essence. Nous sommes capables de nous inquiéter parce qu’on part en Afrique dans six mois et qu’il y a un risque d’attraper la malaria, alors que l’on ne sait même pas ce qui va se passer dans une heure.
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Un événement dramatique dans la vie d’Ariane, mère de famille, l’a poussée à opter pour «une forme de fatalisme, pour survivre». Le jour où sa fille, alors âgée de 14 ans, a fait un accident vasculaire cérébral, elles venaient «d’acheter des fringues ensemble»: «Je l’ai déposée au cirque et une heure plus tard elle était dans le coma, entre la vie et la mort. Quand on sait que ce genre de chose peut arriver, on est obligé de s’arranger avec son inquiétude, pour vivre malgré tout. Sinon, on s’inquiéterait continuellement… Bien sûr, je me fais parfois du souci quand même. Mais je pars facilement sur le concept «Pas de nouvelles, bonnes nouvelles».»
Se détacher du temps
Pour le Dr Belleux, les personnes qui s’imaginent toujours le pire «se rendent malades. Toutes ces pensées sont une nourriture négative. A l’opposé, ceux qui ne s’inquiètent jamais ne font qu’accepter que l’on ne peut pas tout contrôler. Ils font face aux événements et les appréhendent du mieux qu’ils peuvent.» A ne pas confondre avec le sentiment de peur, qui a l’utilité de mettre en garde contre un danger réel.
Matthieu Ricard ajoute que «développer la capacité intérieure de faire face, avec force, confiance et une certaine dose de sérénité, aux circonstances de la vie, qu’elles soient heureuses ou malheureuses, est un immense atout. En aucun cas cela n’est synonyme de résignation impuissante ou d’injustice tolérée. Il s’agit avant tout d’éviter de devenir deux fois esclave: esclave des autres et esclave de son propre esprit.»
Comment stopper cette machine parfois infernale? «Il faudrait supprimer le temps, répond le Dr Belleux. Ainsi, il n’y a plus de crainte en lien avec le passé et on arrête de se projeter dans un futur hypothétique. La méditation, par exemple, aide à se détacher du temps, à se trouver dans un éternel instant présent. L’inquiétude n’a alors plus de prise.» Reste à espérer que la quiétude soit aussi contagieuse et coriace que son antonyme.