La jeune femme qui s'étonne de l'ampleur prise par la manifestation s'appelle Suzanne Schweizer. Attablée devant un plat de hachis qu'elle arrose de compote de pommes «comme à la maison», elle raconte qu'elle travaille à Paris, chez Cacharel. A sa table, on trouve le Vaudois Laurent Mercier, Christoph Hefti et Adrian Reber. Les quatre sont suisses. Et mercenaires de la mode. Mercier a été le médiatisé directeur artistique de la maison parisienne Balmain. Hefti, a travaillé pour Jean Paul Gaultier avant de se fixer à Anvers où il dessine des imprimés pour Dries van Noten. Quant à Reber, après une collection en son nom remarquée, il roule désormais pour Hugo Boss. Et pourquoi sont-ils venus à Bâle? Pour donner leurs conseils de pro aux jeunes diplômés. «Et pour embaucher d'éventuels stagiaires, qui sait?» Jeter des ponts entre l'école et le monde du travail n'est pas le moindre mérite de la Haute Ecole de Bâle.
Et sur le podium, qu'est-ce que ça donne? Un très bon niveau d'ensemble, même si le coup de génie est encore rare. On retiendra la collection de Suzanne Berchtold, toute en sangles et asymétries, pour son idée de départ, entre journal intime et concept affûté: «Tout est parti de la bretelle de mon soutien-gorge que je passe mon temps à remonter et que je n'arrive pourtant pas à changer.» Les longues lianes d'Anita Michaluszko: ses imprimés à pois sont pile poil dans la tendance mais déjouent l'ennui du bon goût – nos quatre Suisses ont adoré. Les tenues d'enfants-géants de Valérie Jantz, mailles immenses, boutons suragrandis, Alice au pays du XXL. Sinon, beaucoup de découpes arrondies, de tailles basculées. Emmitouflures, plis et recoins. Peu d'angles, pas mal de vêtements-refuges. A Bâle, on est plus proche de la mode belge, du surhabillé ou des recherches d'As Four que de l'excès, ou de la provoc d'un Galliano. Réflexion plus que passion. Presque de quoi parler d'un style suisse, presque.