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Chat et grippe aviaire: ce qu'il faut savoir

La découverte d'un chat mort, victime du virus H5N1, dans le nord de l'Allemagne, témoigne de la progression de la maladie en Europe. Le danger s'est-il rapproché de l'homme? Faut-il confiner nos compagnons à quatre pattes?

Un chat meurt et toute l'Europe en parle! En ces temps de grippe aviaire, les incidents normalement les plus insignifiants se convertissent en événements dès qu'ils témoignent de la progression de la maladie. Ainsi en est-il du décès de ce pauvre animal sur l'île allemande de Rügen, en mer Baltique, puisqu'il révèle un nouveau progrès du virus H5N1, passé pour la première fois, sur le Vieux Continent, d'un oiseau à un mammifère. Le cas restera-t-il isolé ou risque-t-il de se multiplier? Et, dans ce cas, le danger s'accroîtra-t-il pour l'homme? Repères.

Qui était la victime?

L'animal, un chat de 4,8 kilos, avait fui depuis quelque temps la ferme où il habitait pour errer dans la nature sans collier lorsque son corps a été découvert près de la baie de Wittow, sur l'île de Rügen. Ce minuscule territoire, où 129 oiseaux ont péri de la grippe aviaire ces deux dernières semaines, abrite des conditions sanitaires très spéciales, caractérisées par une forte sécrétion virale. Selon toute vraisemblance, le félin a attrapé le H5N1 en s'en prenant à des volatiles affaiblis, voire morts - même s'il n'est pas, en principe, un charognard. Placé sous surveillance médicale, son maître ne montre, lui, aucun symptôme de la maladie.

Cette mort constitue-t-elle une surprise?

Non. Les carnivores ont la réputation de bien résister aux différents virus de la grippe en raison de la violence de leurs sucs gastriques. Mais la communauté scientifique s'est rendu compte il y a deux ans déjà que le H5N1 leur posait problème. Entre fin 2003 et début 2004, trois tigres, trois léopards et une quinzaine de chats ont été contaminés par lui en Thaïlande. Puis, en octobre de la même année, 147 tigres du Sriracha Tigers Zoo, près de Bangkok, en sont morts. Des chercheurs néerlandais du Centre médical Erasmus de Rotterdam ont, par ailleurs, prouvé en laboratoire que les chats pouvaient être infectés par injection ou ingestion de volaille contaminée.

Les chats s'attaquent-ils à des proies dangereuses?

Les chats s'en prennent de préférence aux passereaux, soit à des espèces comme les moineaux, les rouges-gorges ou les hirondelles sur lesquelles le virus de la grippe aviaire n'a jamais été découvert. A l'inverse, ils ne s'attaquent que très rarement aux oiseaux d'eau, qui sont les principaux porteurs du H5N1 dans la nature. Alors? Comment celui de Rügen a-t-il été contaminé? Tout le monde aimerait bien le savoir.

Comment un mammifère risque-t-il de s'infecter?

Il est à l'évidence dangereux de manger de la viande crue de volaille contaminée: c'est de cela que sont morts voici deux ans les tigres thaïlandais. Et il paraît probable que planter ses crocs dans une chair infectée présente de gros risques. Pour sa part, la principale autorité en la matière, l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE), estime possible que le chat de Rügen ait attrapé la grippe aviaire en inhalant simplement des poussières de fientes, telles celles qui se déposent couramment sur les plumes des oiseaux.

Les chats peuvent-ils être eux-mêmes contagieux?

L'équipe du Centre médical Erasmus a établi en 2004 déjà que les chats sont capables d'excréter le virus et de le transmettre par contact à des congénères. En janvier de cette année, les scientifiques ont apporté quelques précisions dans la revue médicale American Journal of Pathology en assurant que ces animaux pouvaient diffuser le virus de deux façons différentes, par les voies respiratoires et par le canal digestif. Cela dit, la quantité de H5N1 présente dans leurs selles est jugée faible.

Un chat peut-il contaminer son maître?

En théorie, oui. Le chat a la particularité de fréquenter aussi bien le monde sauvage que l'univers domestique, et d'avoir des contacts étroits avec les oiseaux, qu'il chasse, comme avec les hommes, dont il apprécie les caresses. Il représente donc très logiquement un vecteur potentiel de la maladie. Cela dit, la grippe aviaire sévit depuis plus de deux ans au milieu de centaines de millions d'hommes et de femmes et personne, absolument personne n'a été contaminé par son intermédiaire. «Il faut remettre tout cela en perspective, a expliqué mercredi un porte-parole de l'OMS, Dick Thompson. Il y a eu 180 millions d'oiseaux tués à cause de cette maladie et pourtant nous avons identifié moins de 200 cas humains. Donc le risque posé par une exposition directe à un animal quelconque infecté est minime.» Par ailleurs, et contrairement aux cochons, les chats n'ont pas la réputation de favoriser l'apparition de nouvelles souches, susceptibles de menacer davantage l'être humain.

Faut-il prendre des précautions?

Les mesures se multiplient outre-Rhin. Les autorités de l'île de Rügen ont prié mardi leurs administrés de laisser enfermés leurs animaux de compagnie et d'abattre les chats (et chiens) errants dans les zones de protection établies autour des foyers de grippe aviaire. Quant au Ministère allemand de l'agriculture, il a ordonné mercredi le confinement des petits félins dans ces mêmes périmètres. Et la Suisse? «Il est trop tôt pour mettre les chats à l'abri, assure Cathy Maret, porte-parole de l'Office vétérinaire fédéral. Nous n'avons nulle part des concentrations d'oiseaux morts. Et gare! A ce stade, un certain nombre de précautions poseraient plus de problème qu'elles n'apporteraient de solutions.»