Claude B. Levenson: Le dalaï-lama est une figure chaleureuse, à la fois simple et charismatique, et porteuse d'espoir. Il sait se mettre à l'écoute des autres et donner à ses interlocuteurs un sentiment de sécurité. En s'approchant de l'autre avec ouverture, il l'attire à son niveau. En sa compagnie, on se sent plus intelligent. Il focalise aussi un certain attrait pour l'exotisme. Il incarne un bouddhisme qui permet d'appréhender l'existence d'une autre manière que celle qui est en vigueur sous nos latitudes. Et la demande de sens est grande en Occident.
– Qu'est-ce qui séduit autant les Occidentaux dans son enseignement?
– L'approche relativement simple en apparence de la doctrine dont il est la personnification. Et la découverte d'un monde d'une très grande richesse. Ses enseignements sont très profondément ancrés dans la réalité quotidienne. Le dalaï-lama est un médecin de la vie, et aux yeux de nombreux Occidentaux, il semble que la vie devient plus facile lorsqu'on l'envisage d'un point de vue bouddhiste. C'est une religion dépouillée de divinités. Il ne faut pas espérer dans un paradis à venir mais essayer de se débarrasser de la souffrance présente dans la vie. Le but, c'est l'éveil. Et chaque être humain est capable d'atteindre à cette essence de l'être. Dans le bouddhisme, on n'est pas sauvé par quelqu'un d'extérieur, mais on devient soi-même.
– Mais le bouddhisme qui plaît aux Occidentaux et que véhicule le dalaï-lama n'est-il pas une version édulcorée du bouddhisme tibétain? A l'instar du catholicisme, cette religion condamne l'avortement, la sexualité libre ou encore l'homosexualité. Or, on n'entend que très rarement le Dalaï-Lama s'exprimer sur ces questions. Pourquoi?
– Ça tient à une autre approche de la vie. La responsabilité de chacun est un principe de base. Le bouddhisme est une école de lucidité. Il y a des interdits, qui forment la base d'une morale et d'une éthique, et il revient à chacun de décider s'il veut les appliquer ou non, avec les conséquences que cela implique. Le bouddhisme ne cherche pas à donner de directives, mais à faire comprendre à chacun qu'il est responsable de sa vie. En devenant conscient de cette responsabilité, l'individu va se comporter de manière adéquate. En cas d'erreur, il ne peut pas se contenter de dire: «Je vais faire des prières pour obtenir l'absolution.»
– Vous connaissez bien le dalaï-lama, qui est l'un de vos amis. Quel est l'aspect de sa personnalité qui vous marque le plus?
– L'adéquation entre ce qu'il dit et ce qu'il fait. Une très grande cohérence se dégage de sa personne.
– Quelle parole de lui aimeriez-vous nous transmettre?
– «Soyez à vous-même votre propre flambeau.»