HYPERLIEN
L’épidémie impose à la rédaction du «Temps» de trouver un équilibre: informer pour ne pas masquer la réalité, sans être catastrophiste

L’objectif du projet «Hyperlien» est de mieux comprendre vos attentes et présenter le métier de journaliste pour plus de transparence.
Actualité oblige, l’épidémie de coronavirus s’est invitée lundi matin à la grande réunion de rédaction hebdomadaire. Avec elle, un débat: Le Temps en fait-il trop sur le sujet? Une question déjà soulevée plusieurs fois en interne depuis le début de la crise en Chine, mais aussi dans vos courriers et commentaires sur les réseaux sociaux.
Dans un message, une lectrice nous interpelle: «Six éditions cette semaine, et six premières pages sur le coronavirus. Bien que pour le moment aucun décès n’ait été enregistré en Suisse, et que la grippe standard continue de tuer son lot de personnes âgées, sans déclencher le moindre intérêt. Ne pensez-vous pas être un vecteur de désinformation et d’affolement irraisonné des foules apeurées? […]»
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Un fil d’actualité continu
Dans un précédent article, on évoquait la difficulté à traiter de cette crise à distance. Dès que l’épidémie a franchi les frontières de la Chine, un fil quotidien d’actualité en continu a été mis en place sur notre site. Ce dernier est alimenté régulièrement par des informations sélectionnées dans les dépêches des agences et par les journalistes de la rédaction. «C’était la première fois que l’on mettait en place un fil en ligne renouvelé tous les jours», indique Nicolas Dufour, chef d’édition numérique.
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Quand la crise a connu un premier tassement, ce fil est devenu un résumé journalier. Depuis, le Covid-19 est arrivé en Suisse. Le développement de l’épidémie en Italie et au sein de la Confédération a entraîné un nouvel emballement médiatique et, avec lui, le retour du suivi en direct. «Le seul fait d’avoir ce dispositif peut être anxiogène et donner l’impression d’un état de crise permanent, admet Nicolas Dufour. Mais il permet aussi de limiter le nombre d’articles consacrés à l’épidémie.»
L’effort du «pas de côté»
Chaque matin, le service web sélectionne les contenus sur le coronavirus qui apparaissent sur la page d’accueil du site du Temps pour ne pas éclipser le reste de l’actualité. Un équilibre que Gaël Hurlimann, rédacteur en chef du numérique et chargé de l’édition la semaine passée, a aussi cherché à maintenir dans le journal papier. «Nous avons partiellement cédé au rythme imposé par l’actualité avec deux doubles Temps forts [opérations spéciales] consacrés au sujet, reconnaît-il, sans perdre d’autres contenus qui ne sont pas liés au virus.»
Le choix des sujets s’est fait avec la volonté d’aller au-delà du décompte des nouveaux cas et des victimes. Les questions posées par nos lecteurs sur les réseaux sociaux ont également servi à orienter le traitement des actualités récentes. «Nous avons aussi cherché à mettre en évidence les contenus apportant une plus-value, souligne Gaël Hurlimann, comme une mise en perspective historique de la gestion des épidémies.» Parmi les sujets en ligne les plus lus ou vus, la plupart proposent un angle positif ou explicatif, comme la vidéo intitulée «Coronavirus: 5 questions pour comprendre son origine et sa dangerosité».
Distinguer l’exceptionnel
Dans le flux permanent d’informations liées à l’épidémie, la principale difficulté réside dans la capacité à distinguer ce qui relève d’un simple développement de la crise de ce qui constitue un réel changement. La conférence de presse surprise du Conseil fédéral vendredi 28 février fait partie de cette deuxième catégorie. La décision d’interdire les manifestations et les événements rassemblant plus de 1000 personnes est une première dans le pays, et rompt avec la communication adoptée jusque-là. «Le fait d’avoir des journalistes qui suivent la politique fédérale de longue date nous a permis de remettre cette décision en contexte», précise Gaël Hurlimann. A l’inverse, traiter insuffisamment cette actualité peut donner lieu à une autre accusation: celle de vouloir dissimuler au public l’ampleur de l’épidémie.
Au-delà du traitement de l’actualité, il est parfois nécessaire de rappeler des éléments de base, développés depuis le début du suivi de la crise. La comparaison entre le virus de la grippe et le Covid-19 revient avec insistance dans les conversations. «Ce virus est plus inquiétant que la grippe, rappelle Fabien Goubet, journaliste scientifique. Là où le taux de mortalité de la grippe est de 0,1%, il est situé entre 1 et 2% pour le coronavirus. Il est normal qu’il y ait des campagnes de prévention et que les médias en parlent.» L’épidémie reviendra donc dans nos pages dans les prochaines semaines.