Portrait
L’architecte-artiste aux 80 prix surfe avec agilité entre Los Angeles et Lausanne. David Montalba revendique une approche humaniste de son métier

Il aime ces immenses lettres inscrites sur un entrepôt décrépit, non loin de la gare de Lausanne: LAUS’ANGELES. Un peu de son histoire, entre Suisse et Etats-Unis. Un peu aussi l’un de ses rêves: être un artiste. Ce qu’il est sans nul doute. Il admire Sterling Ruby, plasticien contemporain américain qui s’inspire de sujets sociaux et crée des œuvres très chargées politiquement.
David Montalba officie, sur deux terres, Santa Monica (Californie) et Lausanne (rue Centrale). Il a reçu en 2008 le Prix national du jeune professionnel de l’Institut américain des architectes (AIA). Enorme reconnaissance. Qu’il doit, dit-il, à son équipe d’architectes et dessinateurs (50 aujourd’hui) «et à une approche humaniste qui ne tient pas seulement compte des besoins du client et du site mais aussi de l’environnement économique et culturel».
Il appartient à cette nouvelle race de bâtisseur et décorateur à la démarche résolument sociétale. Il parle ainsi d’honnêteté des matériaux: «Si l’architecture est une déclaration, les matériaux sont les mots, ce sont les outils essentiels qui nous permettent de communiquer notre conception. Nous choisissons des matériaux en fonction de leurs propriétés particulières et nous essayons de rarement les modifier ou les cacher. Leur sélection minutieuse peut symboliser la relation entre le projet et le site, le paysage ou même une idée.»
Petits et grands projets
Restons dans un premier temps en Suisse où David Montalba a ouvert son bureau lausannois en 2016. Sur les hauteurs de Monthey, il fait pousser dans la neige 21 chalets à double hauteur dont la forme rappelle une tente de camping. Conception futuriste qui s’inspire du profil des montagnes en arrière-plan, en amplifiant la toiture inclinée étendue jusqu’au sol, en éliminant du même coup les murs extérieurs. Le cadre est habillé de bois local et la structure repose sur des pieux. La lumière inonde l’espace grâce à de grandes ouvertures vitrées. David Montalba alterne les petits projets (100 m²) et les grands (10 000 m²) «avec un processus créatif similaire». Il a ainsi achevé il y a quatre ans de cela la refonte du terminal international Tom Bradley de l’aéroport de Los Angeles. Il y a mis en évidence le concept de bordure des frontières en insistant sur les espaces de transition, d’observation, d’exposition.
De grandes ouvertures dans le plafond en bois s’étendent vers le bas. «La transparence augmente l’interaction entre les magasins et les clients, la porosité permet aux voyageurs de circuler au travers des nouveaux salons VIP, les magasins et les restaurants», commente David Montalba. Il parle de lumière sculptée, de son utilisation naturelle comme moyen de diriger l’attention. «La puissance de son effet est à la fois physique et psychologique, ce qui peut même modifier l’humeur de l’utilisateur», argue-t-il.
Le souvenir ému des vacances à Cossonay
Il est né en pleine lumière italienne à Florence d’une mère suisse et d’un père américain, a vécu enfant cinq années à Morges avec les reflets du lac dans les yeux puis s’est posé, avec ses parents et son jeune frère, sur le bleu du Pacifique à Carmel-by-the-Sea, non loin de San Francisco.
Un patient prend trois heures de sa journée de travail pour se rendre chez son médecin, avec le studio dentaire ce temps est réduit de moitié
«Mes meilleurs souvenirs restent tout de même les vacances, chaque été, chez ma grand-mère à Cossonay. J’ai surfé sur le lac et parfois aussi à Biarritz, sur la côte Atlantique.» C’est un oncle architecte à Lausanne qui lui a donné l’envie de pratiquer ce métier. David Montalba a étudié à San Diego, à Los Angeles mais aussi au Tessin. Son épouse est Américaine, «le mariage a été célébré à Saint-Sulpice là où mes parents se sont unis», le couple a deux enfants de 8 et 13 ans. En vingt-cinq ans de carrière, il a reçu près de 80 prix. On retiendra celui-ci, remis en 2015 par l’Institut américain des architectes de santé, qui a salué la mise en circulation d’un studio dentaire mobile de 21 m², très design. «Un patient prend trois heures de sa journée de travail pour se rendre chez son médecin, avec le studio dentaire ce temps est réduit de moitié», résume David Montalba.
Accompagner la mue de Lausanne
A Lausanne, ville dont il dit qu’elle a énormément changé depuis quinze ans et où la densification est aujourd’hui un enjeu majeur, la surélévation et la rénovation d’un bâtiment de 1910 ont été confiées au cabinet Montalba. Un étage supplémentaire a été imaginé sur la toiture et deux appartements en duplex ont été ajoutés en rez-de-chaussée. Il vient d’achever à Pully un espace de bureaux conçu comme «un bâtiment dans un bâtiment» avec une série de boîtes transparentes dites coalescentes (soudées).
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Dans le même genre, il a développé outre-Pacifique un concept de «boîte d’allumettes» pour une résidence à flanc de colline à Pasadena. «Nous voulons créer l’illusion d’un plus grand volume intérieur afin d’améliorer les effets d’espace, insiste-t-il. Cela peut être fait par le chevauchement des différentes zones et des programmes pour créer des plans d’étage plus ouverts et spacieux, pouvant accueillir une variété d’utilisations en fonction des besoins changeants de la clientèle.»
Montalba Architects va participer cette année à Artgenève à Palexpo. L’espace conçu pour recevoir les ARTalks sera composé d’éléments gonflables qui délimiteront le périmètre. «L’air sera donc le matériau principal de notre stand.»
Profil
1972 Naissance à Florence.
1994 S’installe à Santa Monica, Californie.
2000 Diplômé d'un Master en architecture de l'UCLA.
2004 Fonde Montalba Architects et ouvre le bureau de Los Angeles.
2016 Ouvre un bureau à Lausanne.
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