Des drones en habit de lumière
Technologie
Verity Studios a inventé le spectacle de drones. Invitée à Londres par Pro Helvetia, la designer lausannoise Léa Pereyre habille ces mini-acteurs volants

Vous les avez peut-être déjà vus voleter en essaim lumineux pendant un concert de Metallica, accompagner le rappeur Drake ou composer un ballet d’abat-jours dans le spectacle Paramour du Cirque du Soleil. Voire voltiger dans la tournée 2018 du Cirque Knie en remplacement des éléphants mis à la retraite au Kinderzoo de la troupe.
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Ces lucioles qui font le show sont des micro-drones baptisés Lucie. Cette idée que ces petits appareils volants puissent aussi servir les arts vivants, c’est Raffaello D’Andrea qui l’a eue. Ingénieur et artiste italo-suisse et canadien, il est aussi professeur de systèmes dynamiques et de contrôles à l’ETH de Zurich et fondateur de Verity Studios, start-up zurichoise dont les acrobates sont les premières mégastars robotiques de l’industrie du spectacle. Lesquelles connaissent précisément leur position dans un espace en trois dimensions grâce à un système de localisation. Il n’y a donc aucun pilote aux commandes, mais un programme que les machines exécutent.
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Ballet mécanique
A Londres, fin septembre, Raffaello D’Andrea déplaçait son équipe au London Design Festival pour organiser des démonstrations de ces chorégraphies, Pro Helvetia, la fondation nationale pour la culture suisse, montrant les drones dans le cadre de son exposition Design Switzerland.
Car au-delà des particules en suspension qui scintillent de toutes les couleurs, l’entreprise zurichoise veut désormais pousser le concept du ballet mécanique un cran plus loin. Et s’il y a une ville où le show-business bat son plein, c’est bien Londres. «Les producteurs qui sont venus sont très intéressés», explique Léa Pereyre, Drone Costume Designer de Verity Studios, sans doute la première de sa catégorie. La costumière en cheffe a ainsi la charge d’habiller ses tout petits engins pour en faire les acteurs à part entière d’une nouvelle forme de spectacle. «A l’ECAL, j’ai appris le design industriel. Les robots étaient très éloignés de mon imaginaire. Fondamentalement, je serais même plutôt low-tech, explique la designer lausannoise. Ce qui m’intéresse en revanche, c’est toute la problématique du mouvement. En cela, le rapport du design avec les technologies m’a toujours intéressée. Après mes études, j’ai fait plusieurs stages, dont un au Laboratoire de système robotique (LSRO) de l’EPFL, où j’ai pu développer ce lien entre la forme et les techniques de pointe.»
Rester léger
Mais en quoi au juste consiste son nouveau métier? «A trouver le moyen d’habiller des drones en jouant principalement sur l’aspect visuel. Il y a énormément de contraintes. Le poids déjà. Les machines pèsent 50 grammes et peuvent voler 3 minutes avec une seule charge. Les alourdir trop réduirait cette autonomie. La liberté de déplacement ensuite. Le costume ne doit pas les gêner dans leurs actions. Il faut ainsi prendre en compte l’air produit par les hélices. Les deux cumulés font que les habits pèsent 5 grammes, pas un de plus.» Ce qui, forcément, limite la créativité. «Disons que cela vous oblige à être malin. A créer l’illusion qu’il y a plus avec un maximum d’économie de moyens.»
Et ainsi montrer que le drone n’est pas uniquement ce gros bourdon destiné à la surveillance et aux opérations militaires. Mais une machine capable de poésie et de transmettre de l’émotion. Cela dit, en évitant de tomber dans la démonstration bluffante mais kitsch. «C’est en effet une question importante, reprend Léa Pereyre. Pour moi, c’est comme un feu d’artifice que ni la vidéo, ni la photo ne peuvent rendre la dimension sensationnelle. Le spectacle de drone est une expérience immersive qu’il faut absolument vivre en vrai.»
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Un air d’aquarium
Dans la démo que la designer lausannoise a créée, les objets volants deviennent des méduses dont les corolles brillent en fluo sous les ultraviolets. Dans cette scène de quelques minutes où les machines donnent l’impression de se mouvoir entre deux eaux, il y a une dramaturgie qui raconte une petite histoire aquatique. «Je dessine un story-board. Ensuite, on discute de la chorégraphie avec les ingénieurs. J’aime ce dialogue entre deux métiers qui doivent se mettre ensemble pour parler la même langue. Pour ainsi réussir à mettre du rêve dans les yeux des gens.»
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