Société
Le Pommier de Neuchâtel organise une soirée queer le 14 février. Ouvert à tout le monde, l’événement invite à questionner les normes du couple hétérosexuel et à fêter l’amour sous le signe de la liberté et du dialogue

«Je déteste la Saint-Valentin.» Yan Walther, directeur et programmateur du Pommier, n’y va pas par quatre chemins. «Le côté hétéronormé, foie gras-missionnaire… Ça va avec la vision de l’amour et du couple de la génération de nos parents.» Pour interroger le modèle classique des relations et faire honneur à leur diversité, Le Pommier propose un 14 février queer, une soirée sous le signe de l’amour mais loin des «clichés plan-plan».
Mais qu’est-ce qui, pour lui, pose problème avec le fait de reproduire ces habitudes? «Aller au restaurant, porter de la lingerie, faire l’amour… Ça peut être super! Mais plein de gens ne questionnent pas ce modèle et le reproduisent par obligation sociale et je trouve cela triste.» Alors Yan Walther offre sa propre solution: «Une Saint-Valentin ouverte à toutes les formes d’amour.» Car pour lui, «la limitation de la société à un unique schéma amoureux rend les personnes queers malheureuses».
Concrètement, le 14 au soir, les personnes pourront venir seules, à deux, à trois ou quatre. Une ouverture pour dire la multitude des relations possibles. S’il se destine particulièrement à la communauté queer – soit aux personnes dont l’orientation sexuelle et/ou l’identité de genre diffèrent du modèle social hétéronormatif et cisnormatif – l’événement reste ouvert à tout le monde.
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Un manque de lieux dédiés à Neuchâtel
L’événement est d’autant plus inédit qu’il porte la volonté des organisateurs de combler un manque dans le canton de Neuchâtel: «En discutant avec des personnes queers et des associations qui représentent la communauté, on s’est rendu compte qu’il existe des bars LGBTQIA+ dans les grandes villes de Suisse romande, mais aucun endroit spécifique ici», souligne Constance Ayusawa, responsable de la communication du Pommier.
Ce «théâtre de poche», comme aime le décrire son directeur, se modulera pour aménager un espace café-concert et accueillir une quarantaine de participants. Au programme: un banquet, deux spectacles, un set de DJ Pelleteuse et la présence de l’artiste queer Loïc Valley pour tenir les rênes de la cérémonie.
«Le duo de spectacles Peau de phoque parle de toutes les amours, des persécutions subies quand on n’aime pas dans le schéma hétérosexuel classique… Le ton est juste, bienveillant», reprend Yan Walther. Les shows, créés en parallèle dans des lieux de résidence proches par la compagnie La Ponctuelle, se répondent dans les thématiques. Entre quête identitaire et affirmation de soi.
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Dans Je suis une sirène, d’Aurore Magnier, on découvre une sirène «ratée» discuter de ses tentatives de correspondre à un certain modèle avec sa psy. Il est aussi question des violences faites aux femmes et de la sororité comme manière de sortir des violences individuelles. Le second projet, Portraits détaillés, pose la question volontairement provocatrice: «Qu’est-ce qui fait pédé?» «C’est un collage de correspondances amoureuses des années 1980. Le spectacle questionne le mot «pédé» dans nos existences. Comment on s’en empare pour renverser le mot stigmatisant ou comment on ne s’en empare pas», précise Lucien Fradin, porteur du projet. Un diptyque festif, impertinent et joyeux.
A l’issue de la soirée, un pédibus sera mis en place pour accompagner les participants jusqu’à la gare. «Pour nous, c’est une première. On a co-construit l’événement avec les membres de la communauté queer. Il y a encore des personnes victimes de discriminations, d’agressions. Et j’ai beaucoup à apprendre sur ces réalités», reconnaît Yan Walther.
Une table ronde pour mieux se comprendre
Le lendemain, 15 février, Le Pommier propose aussi une table ronde sur la thématique «Etre queer en Suisse aujourd’hui», en collaboration avec les associations QueerNeuch, Le Refuge et Sui Generis. Un thème large, inclusif, pour discuter des acquis et du chemin qu’il reste à parcourir pour les personnes concernées. Un espace pour mieux se comprendre. «Cela permet d’expliquer aux personnes non queers ce que ce mot veut dire et ce qu’il renferme, précise Yan Walther. On n’a pas toujours conscience de la violence, des obstacles sociaux que subit la communauté. Pour elle, c’est un endroit pour témoigner, pour être entendue.»
Informations et réservations sur le site du Pommier