Pour y remédier, plusieurs instances remontent leurs manches. Ainsi le Département vaudois de la formation, de la jeunesse et de la culture a annoncé la semaine dernière le lancement d’un projet pilote pour garantir et faciliter l’accès à des protections périodiques dans les lieux de formation de la scolarité obligatoire et post-obligatoire. Une nécessité: «Au service social par exemple, la rente n’est pas adaptée au fait que, si une famille précaire est composée de quatre personnes dont trois femmes, les coûts sont différents», souligne Muriel Thalmann, députée au Grand Conseil vaudois à l’origine du postulat déposé en mai 2020: «Pour des protections hygiéniques en libre accès dans nos écoles et au sein de l’administration cantonale.»
L’installation de distributeurs de protections hygiéniques gratuites dans les établissements scolaires vaudois et dans les toilettes de l’administration cantonale, ainsi que des distributeurs à prix coûtant dans les toilettes publiques est une façon de briser le tabou. «On a fait ça pour les préservatifs, pourquoi pas pour les protections hygiéniques»? remarque la députée, «ce n’est pas plus coûteux que la mise à disposition de papier-toilette. En plus, la plupart des femmes sont habituées à leur produit et ne vont pas s’en servir. Ça ne sera utile qu’aux personnes qui en manquent.»
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Le parlement jurassien a devancé son voisin en adoptant, en mars dernier, une motion pour la gratuité des produits d’hygiène menstruelle dans les écoles. A Genève, les communes de Meyrin et du Grand-Saconnex se sont lancées à l’échelle communale tandis qu’au niveau du canton, une motion socialiste déposée en 2019 a été rejetée en commission. Et en Valais, enfin, le Grand Conseil a refusé tout net un postulat du même acabit en novembre dernier.
Boîtes et collectes
Si l’on peut se réjouir que le sujet soit devenu politique, son traitement prend du temps. Ainsi, des initiatives citoyennes ont fleuri «parce qu’il faut bien agir en attendant», pointe Sasha Da Costa, membre du comité de l’Association de sensibilisation aux comportements égalitaires (ASCE) basée à Lausanne. Active depuis 2018, l’association a développé un concept de «boîtes menstruelles solidaires» pour lutter contre la précarité menstruelle.
Au Gymnase Auguste Piccard, par exemple, trois boîtes remplies de protections hygiéniques ont été déposées dans différents lieux du site. «Le principe est basé sur la solidarité, toute personne pouvant participer à la collecte des produits menstruels peut remplir la boîte. On remarque quand même qu’il y a un grand besoin car ça se vide très rapidement», constate Sasha Da Costa, «en raison du tabou et de la honte injustifiée qui entourent la santé menstruelle, c’est difficile pour les jeunes d’oser se rendre à l’infirmerie demander une serviette ou un tampon». L’ASCE a également déposé une boîte à l’association Fleur de pavé qui soutient les travailleur-euse-s du sexe, particulièrement touché-e-s par la crise, et organise des séances de prévention et d’information autour de la santé menstruelle, avec notamment un atelier de couture de serviettes menstruelles en tissus.
Ailleurs, ce sont des collectes à destination d’associations qui mobilisent la jeunesse. Les Genevoises Lola Botelho et Louna Muller, deux collégiennes de 16 ans, ont créé en décembre 2020 le projet «Quedusang» qui est en passe de devenir une association. Via Instagram, elles ont déjà organisé deux collectes dont les produits seront reversés à plusieurs organisations qui prennent en charge des femmes en situation de précarité.
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«A long terme, on veut élaborer des projets de sensibilisation, aller dans les cycles pour parler de ce qu’on fait, recueillir des avis et informer les autres sur la précarité menstruelle, parce que tout le monde n’est pas au courant», détaille Lola Botelho, qui a elle-même découvert la problématique en écrivant pour le journal de son collège. Louna Muller complète: «On aimerait aussi mettre des protections hygiéniques dans Genève, dans les toilettes publiques. On s’est posé la question de savoir comment faire si les gens en volent? Et puis, on se dit que si quelqu’un prend, c’est qu’il ou elle en a besoin.»
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Rappelons que le problème concernerait 500 millions de personnes dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), faisant courir de sérieux risques aux personnes concernées: pédagogiques, d’une part, puisque la honte entrave souvent le chemin des jeunes filles vers l’école, et sanitaires, d’autre part, avec le développement de démangeaisons, infections, voire chocs toxiques en cas de port prolongé d’un tampon.