«TRANS*», un livre-photo pour montrer la diversité et la normalité des personnes transgenres
Égalité
A travers 46 portraits capturés dans toute la Suisse, «TRANS*» révèle l’histoire, le parcours et les difficultés rencontrées par les personnes transgenres au cours de leur transition

Loin des clichés associés aux personnes transgenres, le livre-photo publié le 18 septembre par Épicène, une association basée à Genève en faveur des personnes trans*, présente un éventail de témoignages, de personnalités et de quêtes d’identités. Si certaines personnes se sont toujours considérées comme femme ou homme, vivant dans un corps qui ne l’exprime pas ainsi, d’autres ont dû longuement se questionner, se chercher et lutter contre leurs propres stéréotypes pour se rendre à l’évidence.
L’acceptation et la confiance en soi
Passer d’un genre à un autre fait d’elles des personnes transgenres. Cette bascule s’opère au cours d’un long processus appelé transition. Au-delà des apparences, que chacun et chacune est libre de modifier, cette étape nécessite la collaboration des autres. L’importance de l’entourage par son soutien et sa bienveillance transparaît au fil des pages de l’ouvrage. Les proches réalisent eux aussi une forme de transition en accueillant la personne telle qu’elle est, en l’appelant par son nouveau prénom, en employant les bons pronoms.
Comme le résume Lynn Bertholet, présidente d’Épicène, dans la préface: la société est devenue plus tolérante, elle doit désormais être plus acceptante. C’est pour avancer dans cette direction qu’elle a mené ce projet. TRANS* permet aux lecteurs de rencontrer des Suisses, qui ont ou sont en train de réaliser leur transition, et de se familiariser avec les notions de genre et les termes propres à la communauté LGBT – Lesbien, Gay, Bi, Trans.
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Le rapport à son corps et à son image peut être source de souffrance comme de bien-être. C'est d’autant plus vrai pour une personne transgenre. Lynn Bertholet a eu davantage confiance en elle après une séance durant laquelle la photographe Noura Gauper l’a considérée comme une femme à part entière. Elle se lie d’amitié avec elle et lui propose de réaliser les portraits d’hommes et de femmes transgenres pour que d’autres puissent profiter de cette expérience. «Vingt en Suisse romande, vingt en Suisse alémanique et six au Tessin», précise-t-elle.
Son objectif: créer du lien au sein de la communauté trans* et faire un pas vers les personnes cisgenres – quand l’identité de genre correspond au sexe assigné à la naissance. «Si on veut que notre cause avance, nous ne pouvons pas rester entre nous», poursuit-elle. Une idée fédératrice qui séduit Noura Gauper. C’était il y a trois ans. Les deux femmes s’entourent de quatre journalistes pour rédiger les textes, en trois langues, et se mettent à la recherche de modèles. Mais dans une société où la transphobie existe, «nous avons dû faire face à de nombreux refus, surtout au Tessin, par crainte de représailles», regrette Lynn Bertholet.
La photographe lausannoise se fixe alors pour objectif de représenter les personnes telles qu’elles sont, se projettent, en évitant de leur renvoyer une image du genre qu’elles viennent de quitter. Elle veut «révéler leur beauté», et ce, toujours avec le même protocole: «Je voulais aller vers eux, je les ai donc fait poser dans un lieu qui leur est agréable, que ce soit un jardin, un cinéma ou leur appartement. Pour instaurer un climat de confiance, j’ai échangé avec chacun et chacune par mail et pendant plusieurs heures avant de prendre le premier cliché. Puis, dans une recherche de justesse, j’ai fait en sorte de valoriser leur passing – l'expression de leur genre féminin ou masculin.»
La transidentité ne connaît pas de frontières
Toutes et tous vivent leur transition comme une émancipation. Elle a permis à Lea de «se retrouver» et d’«être apaisée». Elyo ressent «comme un soulagement». Et si Naomie arrive enfin à se projeter dans son corps, c’est parce qu’elle a «choisi d’être heureuse». «Avant, je survivais. Maintenant, je vis», déclare-t-elle.
En multipliant les rencontres, le duo montre que la transidentité dépasse les frontières, les classes sociales, les cultures, les différences d’âges, les orientations sexuelles, et même les barrières de genre. Ainsi, Raphaëlle se ressent genderfluid, soit une personne passant facilement d’un genre à l’autre dans son expression, et Eytana confie être non-binaire, soit ne pas se reconnaître entièrement dans l’un des deux genres.
Avec ses 46 témoignages accompagnés d’un lexique, TRANS*, tiré à 3000 exemplaires, est un livre de sensibilisation, mais aussi un outil de récolte de fonds. En effet, tous les bénéfices seront reversés à l’association Épicène pour favoriser l’inclusion des personnes trans* dans tous les secteurs de la société.
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Lynn Bertholet espère que les lecteurs retiendront ce message: «Ces personnes devraient être considérées comme des personnes ordinaires et ne pas être exclues du marché du travail ou de la société, se sentant parfois obligées de vivre seules. Finalement, nous sommes comme les autres.»
*L’astérisque inclut dans l’expression toutes les personnes dont l’identité de genre ne s’inscrit pas dans la norme homme-femme