Tous les quinze jours, notre chroniqueuse jette un «coup d’oreille» à la vaste planète des podcasts francophones et vous conseille un épisode en lien avec l’actualité.

Les chroniques précédentes

Ces derniers mois, voire ces deux dernières années, ont vu émerger la parole des victimes de violences – sexistes, sexuelles, conjugales ou non. Elles ont mis au jour l’étendue d’un mal sournois qui sévit parmi toutes les couches de la société. Le procès d’Harvey Weinstein, qui s’est ouvert cette semaine, atteste cette ouverture médiatique au témoignage de celles qui ont souffert. Mais il est une autre parole, tout aussi importante, qui reste frappée de mutisme: celle des auteurs de violences. Qui sont-ils? Et quels regards portent-ils sur leurs paroles, leurs actes?

C’est ici qu’une série de six épisodes réunis dans un podcast intitulé Des Hommes violents, sur France Culture, entre en scène. Elle donne à entendre certaines de ces voix. Le journaliste Mathieu Palain a suivi 12 hommes jugés pour violences conjugales et contraints, par la justice, de participer à un groupe de parole.

L’immensité du déni

Durant cette série audio d’une puissance inouïe – gardez à proximité un objet déstressant – l’auditeur est confronté aux mots de ces hommes qui ont violenté leurs compagnes. Des hommes aux profils différents: citadins ou ruraux, garagistes ou banquiers, jeunes ou retraités. Certains, comme Franck, ont toujours vu et vécu la violence au sein du foyer. D’autres se disent victimes d’un complot monté par leurs ex-copines. Quelques-uns, encore, ne peuvent concevoir la femme comme un être égal et libre: «Ma meuf, elle n’a pas à aller en boîte.» Un point commun se dessine cependant, ils ne réalisent pas ce qu’ils ont fait: «Je ne comprends pas pourquoi je suis là, je le maintiens», «J’ai jamais frappé ma femme, et pourtant j’ai été condamné. J’ai fait trois jours de garde à vue, j’ai cru que j’avais fait un crime», entend-on.

Comme un contrepoint à ce déni, Mathieu Palain s’en va également à la rencontre de la sœur d’une victime de féminicide. Elle raconte le meurtre de sa cadette par son ex-compagnon. Il l’a frappée, aspergée d’essence et lui a mis le feu devant leur fille. Le micro est ensuite tendu à Louise, une jeune femme rescapée d’une relation avec un petit ami qui, au summum de ses crises colériques, l’étranglait dans l’obscurité de la chambre à coucher. Ils se sont revus, il dit ne pas se rappeler, à part lorsqu’il cognait contre une armoire.

Il faut s’accrocher pour écouter, mais j’écris bien «il faut»: c’est nécessaire. Car si le discours des victimes est entendu aujourd’hui, la série audio rend compte d’un chemin long à parcourir du côté des responsables. Le problème n’est pas encore soigné à sa racine: certains hommes ne voient pas en quoi leurs réactions violentes sont problématiques et témoignent d’une domination qui n’a pas lieu d’être. Le dernier épisode – la dernière séance – ouvre une perspective grâce aux mots d’un ancien participant que le groupe a aidé. Des Hommes violents ne laisse pas indemne, il heurte autant qu’il permet d’espérer: ces hommes ne sont pas des monstres, mais des êtres humains capables de changer.


Des Hommes violents, France Culture, disponible sur Franceculture.fr, l’application Radio France et Apple Podcasts.