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Le boom des enfants boomerangs

Familles je vous aime! Le phénomène des enfants boomerangs est en plein essor, en Europe et aux Etats-Unis

Les statistiques font mal la différence entre les Tanguy, ces jeunes jamais partis de leur domicile familial, et les enfants boomerangs, revenus après l’avoir quitté: on manque de données, regrette la sociologue Sandra Gaviria, spécialiste du sujet.  — © DR
Les statistiques font mal la différence entre les Tanguy, ces jeunes jamais partis de leur domicile familial, et les enfants boomerangs, revenus après l’avoir quitté: on manque de données, regrette la sociologue Sandra Gaviria, spécialiste du sujet.  — © DR

Enfants boomerangs, familles accordéon, trajectoires yoyos: la littérature sociologique regorge d’expressions imagées pour décrire le phénomène de plus en plus répandu de ces jeunes adultes retournant vivre quelques mois, quelques années, chez leurs parents. Si tous les parcours sont individuels, quatre grands paramètres entrent en jeu: le marché du travail, la qualité de l’Etat providence, la conception de la famille et le marché du logement.

Les statistiques font mal la différence entre les Tanguy, ces jeunes jamais partis de leur domicile familial, et les enfants boomerangs, revenus après l’avoir quitté: on manque de données, regrette la sociologue Sandra Gaviria, spécialiste du sujet. Mais le phénomène est en hausse quasiment partout.

Lire aussi: La dure cohabitation avec les enfants boomerangs

En France, le rapport 2015 de la Fondation Abbé Pierre indiquait qu’environ 500 000 jeunes âgés de 18 à 24 ans sont retournés vivre chez leurs parents en 2013. «Il y a souvent un cumul de fragilités, note Sandra Gaviria, la précarité de l’emploi, la cherté du logement… Prolonger de quatre mois la bourse d’un jeune diplômé ne lui laisse pas le temps de trouver un emploi.» Les «NEETS» personnes sans formation, sans diplôme, sans emploi encourent eux une triple peine, un emploi difficile à trouver, peu stable et mal payé. Le taux de recohabitation est de 58,5% pour les jeunes chômeurs de 18 à 29 ans, contre 46% pour l’ensemble de la classe d’âge.

En Grande-Bretagne ce sont 26% des 25-34 ans qui habitent chez leurs parents, une proportion en hausse de 25% depuis 1996. En Espagne, 55% des 25-29 ans vivent encore au domicile familial. Le chiffre atteint 60% en Italie, le record européen – en hausse de 10% depuis 1983. Les différences sont grandes en Europe: on compte peu de boomerang kids en Allemagne ou dans les pays nordiques, pays prospères. «Les éléments économiques jouent un rôle fort, mais il faut se garder de croire que c’est le seul facteur», corrige cependant Sandra Gaviria. Entrent aussi en jeu la conception de la famille, avec la cohabitation habituelle de plusieurs générations, et la préparation à l’autonomie que les jeunes ont reçue.

Au Canada, aux Etats-Unis, c’est l’explosion: 20% des 25-34 ans, et 40% des 18-24 ans habitent chez un de leurs parents, pénalisés entre autres par des prêtsétudiants hors de prix (ces chiffres ne différencient pas les «boomers» des autres mais tous sont en forte hausse). Un phénomène impressionnant et nouveau, dans des pays où les jeunes s’émancipent traditionnellement tôt. L’échec personnel fait place à des choix financiers temporaires, et la stigmatisation sociale diminue, au fur et à mesure que les cas se banalisent.

A une époque où les nouvelles générations ne sont plus sûres de vivre mieux, voire aussi bien que les précédentes, comme cela a été le cas depuis la Seconde Guerre mondiale, les enfants boomerangs sont peut-être là pour rester.

Pour en savoir plus:

Une enquête très complète de l’institut de recherche américain Pew: Who are the Boomerang Kids?(mars 2015)