Un jour, une idée
Il était une fois un tapissier et une courtepointière…
C’était un fauteuil suranné, abandonné dans un grenier où il se consolait en rêvant du passé, de l’époque où il trônait en majesté au milieu du salon. Un jour, on est venu le chercher. Il pensait que c’était la fin. Mais on a pris soin de lui, on l’a dépoussiéré, on l’a habillé d’une étoffe chic et on lui a offert un coquet petit coussin bien assorti. Il s’est trouvé glamour dans un miroir et il a eu un sourire. Et, quand son propriétaire l’a revu, il a souri lui aussi.
Si le personnage est fictif, l’atelier où l’on redonne le sourire aux meubles anciens et à leurs propriétaires existe. Il est suspendu à une ruelle en pente lausannoise, et sa vitrine haute en couleur intrigue les passants et les conducteurs des voitures prises au piège au feu rouge. Dans ce petit espace ouaté, rempli de meubles capitonnés, coussins et tissus, Claire Lavigne et Vladimir Boson réinventent deux métiers d’un autre temps, qu’ils qualifient eux-mêmes de «ringards», en souriant: tapissier et courtepointière.
«Ce qui est passionnant, dans la restauration, c’est une histoire propre à chaque meuble. Et puis c’est un moyen de contrecarrer une consommation frénétique. Recycler, plutôt que jeter», explique Vladimir.
Et le recyclage, ici, est un terme noble. Les fauteuils Art déco tronquent leurs tissus usés contre un habillage cosy et lumineux, les chaises des années 1950 ressortent revigorées par des motifs graphiques et colorés, et les canapés fanés se muent en objets d’art grâce à des matières contemporaines.
«Les nouveaux éditeurs de tissus ont une multitude de possibilités avec des technologies innovantes, qu’il s’agisse d’étoffes élastiques qui se prêtent à merveille à habiller les formes arrondies ou de matières dites 3D, avec une surface en relief», racontent Vladimir et Claire. En quête permanente de nouveautés, ils dégotent des perles rares. Comme ce velours de coton matelassé extrêmement doux dont ils ont l’exclusivité ou encore ce tissu à mailles dans lequel Vladimir a habillé un miroir en pétales – sa deuxième édition spéciale avec l’artiste Delphine Coindet, après le Pecker, une sculpture molletonnée.
Au XXIe siècle, de la restauration jusqu’à la création d’objets design, il n’y a qu’un pas.
Une nouvelle vie, alors, pour les savoir-faire en voie de disparition? «Les gens de mon âge s’étonnent quand j’explique que je confectionne coussins et rideaux… C’est vrai, on peut les acheter en deux minutes chez Ikea, mais après, c’est une question de choix: avoir la même chose que les autres ou aller chercher plus loin», sourit Claire. Reste la question du prix. Mais, lorsqu’ils se rendent compte du travail accompli et de l’originalité des tissus, même les adeptes d’Ikea se laissent séduire.
Atelier Vladimir Boson et Claire Lavigne.
Avenue Recordon 42, 1004 Lausanne,