En Suisse, 5% des jeunes de 26 ans sont puceaux. A l’autre bout de la chaîne des plaisirs, 49% d’entre eux ont déjà expérimenté le sexe anal. 90% ont entretenu une relation stable et 14% font état d’expériences homosexuelles. Côté procréation, 11% des jeunes femmes sont déjà tombées enceintes, et, dans 57,6% des cas, les grossesses ont été poursuivies. Etonnant: seul 28% de cette population a eu un rapport sexuel avec une personne rencontrée sur internet. Plus étonnant encore: 17,5% des jeunes hommes annoncent des difficultés érectiles…

Vous en voulez plus? Plongez dans le très passionnant «Rapport sur la santé et le comportement sexuel des jeunes en Suisse», publié par l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive (IUMSP) du CHUV. Cette mine de renseignements, qui est disponible sur le site de l’institut, émane d’une enquête menée durant trois ans au niveau national à travers des questionnaires électroniques et confidentiels.

Bonne nouvelle. Au niveau des participants, la répartition linguistique est respectée, ainsi que, dans une moindre mesure, l’équilibre entre les statuts socioculturels – la moitié des profils sont universitaires, un gros quart a accompli un apprentissage. Moins bonne nouvelle: sur les 49 798 personnes contactées au départ, seules 7142 se sont prêtées à l’exercice de manière concluante, soit 15% du spectre souhaité. «C’est un bémol, reconnaît Joan-Carles Suris, professeur à l’IUMSP et responsable du groupe de recherche. Mais au vu de la variété des profils, cette réserve ne remet pas en cause la fiabilité des résultats.»

Des résultats qui montrent que la santé sexuelle des jeunes en Suisse est saine, mais que le rapport de force est toujours en faveur des hommes et qu’il faut surveiller les activités sexuelles en ligne dont les effets sont encore peu documentés. Panorama en pointillé avec notre analyse maison.

■ Etat des relations

94% des jeunes femmes et 89% des jeunes hommes ont déjà connu une relation stable. Environ trois participants sur quatre étaient d’ailleurs dans une telle relation au moment de l’enquête. Plus de 70% des profils ont eu des partenaires sexuels occasionnels – pour un total entre deux et sept –, mais le pourcentage se réduisait à environ un quart au cours des trente derniers jours.

Analyse En Suisse, les jeunes de 26 ans plébiscitent la stabilité relationnelle. La plupart d’entre eux ont eu une période de butinage, mais, pour beaucoup, elle appartient déjà au passé.

■ Pratiques sexuelles

17 ans: c’est l’âge moyen auquel les jeunes en Suisse ont leur premier rapport sexuel. 95% des interviewés ont pratiqué la pénétration vaginale et la moitié annonce un rapport hebdomadaire. 96% des profils ont expérimenté le sexe oral et 49% ont fait de même avec la pénétration anale. Les participants relatant avoir pratiqué le sexe en groupe, utilisé des médicaments pour améliorer leurs performances ou été menacés pour obtenir une relation sexuelle sont minoritaires. Par contre, 56% des hommes et 46% des femmes ont déjà eu un rapport alors qu’ils étaient alcoolisés.

Analyse Il est faux - mais ce n’est pas une surprise - de penser que les jeunes en Suisse ont généralement leur premier rapport sexuel entre 14 et 16 ans. La surprise porte sur le nombre de relations anales: presque 50% des 26 ans l’ont déjà pratiquée. En revanche, que sexe et alcool soient souvent associés à cet âge festif, on s’y attendait!

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■ Orientation sexuelle

15% des jeunes femmes et 13% des jeunes hommes ont connu des expériences homosexuelles ou bisexuelles, mais, en termes d’identité, 92% des participants se décrivent comme hétérosexuels, 6% comme homosexuels ou bisexuels et un peu de moins de 2% ne savent pas. Les hommes (4,6%) sont plus représentés que les femmes (1,8%) dans le cas d’une attraction pour une personne du même sexe.

Analyse Il y a un pas, c’est logique, entre tester l’homosexualité et la bisexualité et se déclarer de telle ou telle orientation. Dans ce registre, il semblerait que les jeunes hommes soient plus libérés.

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■ Sexe et internet

Seules 22% des jeunes femmes ont eu un rapport sexuel avec une personne rencontrée sur internet. Ce pourcentage s’élève à 35 pour les jeunes hommes. Concernant les activités sexuelles en ligne, les hommes sont aussi plus plus nombreux. Environ 3 répondants sur 4 ont déjà envoyé un message texte, une photo et/ou une vidéo sexy d’eux-mêmes. De plus, presque 80% des participants ont déjà reçu de tels messages. 22% ont rapporté avoir déjà transféré ou montré un tel message à d’autres personnes sans consentement. Dans ce cas, les hommes étaient surreprésentés.

Analyse On aurait imaginé que les rencontres en ligne étaient plus plébiscitées par cette génération. 28% en moyenne, c’est peu. C’est une découverte aussi d’apprendre que 80% des jeunes adultes ont déjà reçu des textos, photos, vidéos sexy. Un point noir pour les garçons: ce sont eux en grande majorité qui diffusent ces contenus privés sans consulter les intéressé.e.s.

■ Contraception et grossesse

93% des interviewés ont utilisé un moyen de contraception ou de protection au cours de leur premier rapport sexuel, principalement le préservatif masculin. Cependant, pour la dernière relation sexuelle avant l’enquête, donc autour des 26 ans, les méthodes de contraception étaient divisées de manière plus égale entre le préservatif masculin et la pilule contraceptive. Côté procréation, 11% des femmes ont déjà été enceintes et 8% des hommes ont déclaré avoir déjà eu une partenaire enceinte à la suite d’une relation sexuelle avec eux. Parmi les femmes, les grossesses, dont 48% étaient désirées, ont été poursuivies dans 57,6% des cas, et dans presque 30%, elles ont été interrompues. Parmi les hommes, les grossesses ont été poursuivies dans 49% des cas et interrompues dans 42%.

Analyse La capote a la cote. Normal, avec la menace du sida, dont on verra les impacts ci-après. Il est tout aussi normal que les moyens de contraception évoluent en fonction de la stabilité de la relation. Quand un bébé arrive, les jeunes ont tendance à le garder, même s’il n’était pas planifié.

■ VIH et MST

45% des jeunes ont déjà fait un test de dépistage du virus responsable du sida, les femmes un peu plus que les hommes. La plupart des interviewés ont rapporté un résultat négatif. 10% ont déjà été diagnostiqués pour une infection sexuellement transmissible. C’est l’infection à la chlamydia qui a le plus souvent été citée.

Analyse On peut supposer que les jeunes ont un comportement sûr, sinon, ils seraient plus d’une petite moitié à se faire tester pour le VIH. C’est bien, car depuis que le sida est passé d’une maladie mortelle à une maladie chronique, on redoute un relâchement sur le front de la protection.

■ Dysfonctionnements sexuels

17,5% des jeunes hommes évoquent des problèmes d’éjaculation précoce et le même pourcentage annonce un trouble de l’érection. Cela dit, ce trouble va de modéré à sévère pour seulement 0,6% d’entre eux. Du côté des jeunes femmes, une sur neuf relate des dysfonctionnements sexuels sans préciser lesquels. Face à ces problèmes, la plupart des profils (86% des hommes) ont cherché la solution sur internet et/ou, du côté des femmes, auprès d’un gynécologue. 10% des femmes et 13% des hommes ont indiqué que l’aide reçue n’a pas porté ses fruits.

Analyse Près de 18% des jeunes hommes avec des difficultés d’érection, c’est une surprise.

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■ Rapports de force et abus sexuels

53% des jeunes femmes avouent avoir accepté des relations sexuelles sans en avoir envie, contre 23% des jeunes hommes. Cela pour adoucir la relation. 3% d’entre elles rapportent qu’elles ont déjà reçu de l’argent ou des cadeaux en échange d’un rapport sexuel. Enfin, 15% des jeunes femmes ont été victimes d’assauts et/ou d’abus sexuels, contre 2,8% des jeunes hommes.
Analyse Depuis #MeToo, la parole des femmes s’est libérée et ces chiffres ne sont malheureusement pas une surprise. Le rééquilibrage est en cours, promet la nouvelle génération qui veut croire en un changement en profondeur.


«Les jeunes adultes vivent des relations de qualité»

Professeur en santé des adolescents au sein de l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive (IUMSP), Joan-Carles Suris a dirigé l’équipe des cinq chercheurs qui ont élaboré cette vaste enquête.

Le Temps: Dans votre conclusion, vous dites que la sexualité des jeunes adultes en Suisse est saine. Pensez-vous cette appréciation en termes de sécurité ou de qualité?

Joan-Carles Suris: Les deux. Déjà, on est très heureux de voir que 93% des jeunes utilisent le préservatif lors de leur premier rapport. C’est un très bon chiffre, rassurant. Ensuite, une grande majorité des interviewés ont décrit leur relation comme agréable. La qualité est donc aussi au rendez-vous.

En commentaire, vous ne faites aucune mention de la pornographie. Pourquoi?

D'abord, parce que les chiffres sont connus. 95% des garçons et 75% des jeunes femmes ont confirmé en avoir déjà regardé, ce que l’on savait. Ensuite et surtout, parce que lors d’une précédente étude, il a été établi que la pornographie n’est pas un modèle qui influence les relations sexuelles.

Le chiffre qui m’a le plus surpris, c’est les 23% de jeunes hommes qui relatent avoir parfois des relations sexuelles sans les désirer

Joan-Carles Suris

49% des jeunes de 26 ans déclarent avoir déjà eu une relation anale. Une surprise pour vous?

Non, car il y a un vrai changement générationnel concernant cette pratique. Un changement qui est aussi lié à cette mode voulant que les jeunes filles conservent leur virginité en pratiquant le sexe anal.

Quel est le résultat auquel vous ne vous attendiez pas?

Le chiffre qui m’a le plus surpris, c’est les 23% de jeunes hommes qui relatent avoir parfois des relations sexuelles sans les désirer. Que 53% de jeunes femmes le déclarent est malheureusement plus prévisible. Mais que des jeunes hommes se sentent aussi obligés de faire l’amour, soit pour conserver leur partenaire, soit pour adoucir l’ambiance à la maison et qu’ils le disent, c'est très nouveau.


«Rapport sur la santé et le comportement sexuel des jeunes en Suisse», Yara Barrense-Dias, Christina Akre, André Berchtold, Brigitte Leeners, Davide Morselli, Joan-Carles Suris. IUMSP. CHUV. Le rapport est téléchargeable depuis le jeudi 6 septembre sur le site de l’institut.