Comment expliquer les synchronicités?
La question
Réponse de Jean-François Vézina, psychologue canadien, ancien président du Cercle Jung de Québec.

Les discours vulgarisés du rayon développement personnel des librairies incitent les gens à voir des signes partout. Le concept de la synchronicité est devenu un prêt-à-porter, une méthode que l’on vous vend plutôt qu’un questionnement sur le sens. C’est en réaction à ce phénomène que j’ai écrit Les hasards nécessaires, en cherchant à rester proche de Carl Gustav Jung, qui le premier a mis en lumière l’existence de la synchronicité.
Pour expliquer le phénomène, il faut d’abord le distinguer de la coïncidence banale. La synchronicité est une coïncidence qui prend soudainement du sens, provoque une émotion forte, est porteuse de transformation et se produit au moment opportun. L’exemple du scarabée tiré de la biographie du psychanalyste est très célèbre. Jung est en consultation avec une patiente très rationnelle qui lui raconte un rêve dans lequel elle reçoit un scarabée. Au même instant, un scarabée se cogne à la fenêtre. Jung prend l’insecte et le dépose sur la table. Cela aurait été une coïncidence banale si la patiente ne s’était pas laissé déstabiliser émotionnellement par cet incident qui n’entrait pas dans son cadre d’explication scientifique du monde et lui permit de s’ouvrir à une dimension plus symbolique et poétique de l’expérience humaine.
Selon Jung, la synchronicité répond à un principe d’agencement de temps qui n’est pas de l’ordre de la cause. Mais de la nécessité que quelque chose émerge de l’inconscient et amène une transformation au bon moment. Elle s’inscrit dans la dynamique de ce qu’il appelle le processus d’individuation: nous sommes des êtres qui tendent à exprimer le maximum de ce que l’on est, à exister de manière singulière. Elle répond à une énergie du cosmos qui agit comme un principe organisateur dans le chaos de la psyché que Jung appelle le soi.
Pour comprendre la portée d’une synchronicité potentielle dans sa vie, je conseille aux gens d’accepter de se laisser déstabiliser, de ne pas comprendre, puis de faire confiance à leur intuition et à ce qu’elle les pousse à faire ensuite.