Le Nyiragongo est situé dans une région géologique active et très fissurée associée au Rift. Ces failles ont créé des fossés d'effondrement qui ont donné naissance aux Grands Lacs. En extrapolant sur des millions d'années, les géologues estiment que la partie est de l'Afrique se détachera du continent pour devenir une île. Le Nyiragongo et son voisin très proche, le Nyamuragira, représentent les deux cinquièmes de l'activité volcanique de l'Afrique. Une centaine de cônes parasites émaillent leurs flancs. Ce sont des strato-volcans, c'est-à-dire que leur lave est extrêmement fluide. Les habitants de Goma l'ont bien remarqué puisque la coulée a dévalé les flancs assez abrupts du volcan à plusieurs dizaines de mètres par seconde.
L'histoire du Nyiragongo est assez agitée. La particularité du volcan est de posséder un lac de lave au fond de son cratère culminant à près de 3500 mètres. La pression magmatique est suffisante pour l'alimenter sans cesse. Les chercheurs estiment qu'entre juin 1994 et mars 1995, le volcan a produit en moyenne 1,5 mètre cube de lave par seconde. Alors, de temps en temps, le lac déborde ou, plutôt, s'écoule par une fissure. Depuis qu'il a été répertorié pour la première fois en 1894 par un Occidental, au moins une vingtaine d'«éruptions» ont animé le Nyiragongo. La plus importante date de 1977. Une coulée de lave comparable à celle d'aujourd'hui avait dévalé la pente du volcan, mais s'était arrêtée avant l'aéroport. Elle avait tout de même fait entre 50 et 100 morts. Le niveau du lac de lave est resté menaçant jusqu'en 1982.
En 1994, en plein génocide rwandais, l'activité a repris, accompagnée de secousses sismiques. Dans le contexte géopolitique de l'époque – un million de réfugiés s'étaient installés près de Goma –, l'ONU avait envoyé des experts sur place pour évaluer le danger. Ils ont développé l'observatoire, installé quelques sondes mesurant les déplacements de terrains, la température des gaz, etc. «Mais pour pouvoir faire de la science et, surtout, de la prévention, il faut entretenir ces instruments et maintenir un personnel, estime Jean-Jacques Wagner. Il ne semble pas que le gouvernement en place ait eu les moyens d'assumer ces tâches.» Le résultat se voit aujourd'hui dans les rues de Goma: du caillou pur et dur qui figera à jamais la ville.