La Faculté de théologie de Genève secouée par une affaire de plagiat
Ethique. Un professeur a publié un article où il reprend, sans le citer, le philosophe Paul Ricœur
Emoi à la Faculté de théologie de l'Université de Genève. Le Courrier a révélé hier que François Dermange, professeur d'éthique, a été surpris en flagrant délit de plagiat. Il a ainsi emprunté de nombreux propos au philosophe français Paul Ricœur pour un article * publié ce printemps dans la revue Spirale de l'Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie, en omettant les guillemets. François Dermange a renouvelé l'exercice à l'occasion de la rédaction d'un article pour un ouvrage collectif à paraître prochainement. Pour les assistants qui ont découvert le pot aux roses et les étudiants, la crédibilité de François Dermange est entamée. Le professeur, lui, nie le plagiat mais reconnaît une «maladresse», en expliquant avoir «oublié de mettre quelques guillemets».
Le Conseil de fondation de la Faculté a pris acte de la faute professionnelle. Néanmoins, il a décidé de maintenir sa confiance à François Dermange. Selon Daniel Cornu, membre du Conseil, «annuler la nomination serait une sanction disproportionnée, car elle équivaudrait à une interdiction professionnelle». Le Conseil s'est contenté d'une lettre de réprimandes, tout en insistant sur les «vertus du pardon». Cité par Le Courrier, Thierry Courvoisier, président du Conseil, estime que François Dermange n'a pas «manifesté la volonté de s'approprier la pensée d'autrui».
«Il faut appliquer la loi»
L'affaire aurait pu en rester là. Mais le Conseil de la Faculté a décidé de ne pas suivre le Conseil de fondation et d'impliquer le rectorat afin qu'il nomme une commission chargée d'évaluer le premier mandat de François Dermange, en vertu de l'article 52 de la loi sur l'Université. Si Michel Grandjean, doyen de la Faculté de théologie, se dit favorable à cette démarche, il n'est pas certain qu'elle aboutisse. En effet la Faculté de théologie jouit d'un statut autonome et déroge sur certains points à la loi sur l'université et le rectorat n'aurait pas la compétence de demander la mise sur pied d'une telle commission. Pour Michel Grandjean, cette procédure aurait pourtant l'avantage de ramener la sérénité au sein de la faculté. C'est aussi l'avis du professeur Enrico Norelli: «Il faut appliquer la loi. La crédibilité de la Faculté dépend de sa capacité à aller au fond de l'affaire.»
Quant à la crédibilité de François Dermange, elle est diversement appréciée par ses pairs. Certains estiment qu'il n'y a pas vraiment eu plagiat, d'autres sont convaincus que François Dermange a manqué d'honnêteté intellectuelle. «Je ne suis pas convaincu que le Conseil de fondation a pris toute la mesure du problème, explique un professeur. L'affaire est sérieuse. François Dermange a signé un petit article, mais une signature doit être garante d'une honnêteté intellectuelle sans faille.»
* «Ce que l'éthique change à la relation de l'enseignant(e) et des élèves».