Nombreuses sont les analyses philosophiques faisant du travail une nécessité. Condition matérielle de survie ou de confort, mais aussi lien social et accomplissement identitaire de l’individu, le travail parviendrait même à faire de l’esclave le maître du maître, nous dit Hegel!

Cependant, nécessité rime rarement avec réjouissance, et cela pour deux raisons simples. La nécessité oblige. Comment se réjouir d’une obligation? Deuxièmement, la nécessité d’une obligation s’oppose à la contingence d’un sentiment. Une émotion ne se commande pas.

Heureux parce que performants?

Enfin, le travail n’échappe pas à la loi impitoyable du cœur selon laquelle il suffit d’avoir pour moins désirer et de perdre pour regretter. Le chômeur se réjouira de retourner travailler, tandis que le salarié y retournera avec anxiété ou lassitude, à moins que sa vie personnelle ne soit tragiquement vide ou difficile.

Parce que le travail n’est pas intrinsèquement source de joie, nous avons récemment parachuté des CHO (chief happiness officer) dans les open spaces. Cette mise en place présuppose que des salariés heureux seront plus performants. C’est confondre cause et conséquence. Nous ne sommes pas performants parce qu’heureux, mais heureux parce que performants! La joie résulte d’une mise en mouvement, d’une énergie vitale libérée, nous dit Bergson. Moins de processus engourdissants pour l’intelligence et davantage d’autonomie réjouiraient plus sûrement les salariés qu’un assistanat au bonheur. Si le travail peut devenir source de réjouissance, la réjouissance ne peut faire l’objet d’un travail!


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